La méthode synthétique qui consiste à connaitre l'effet à partir de la connaissance de la cause est la méthode traditionnelle à partir de laquelle les vérités sont établies. Selon la tradition, nous pouvons nous accorder à définir la vérité comme adaequatio rei et intellectus (l’adéquation de la chose et de l’intellect). Aussi nous dirons qu'un énoncé est vrai lorsqu’il est conforme à la réalité dont il parle. De fait la vérité s'établit toujours comme un jugement. Un jugement consiste à dire ou à affirmer quelque chose de quelque chose au moyen de la copule "être" : la rose est rouge par exemple ou encore la somme des angles d'un triangle est égale à 180°. De tel jugements seront vrais si l'on connait la cause de laquelle ils tirent leur vérité. Cette cause est dans le syllogisme aristotélicien, le moyen terme qui doit exprimer l'essence du sujet que l'on cherche à connaitre. Ainsi je dirai de Socrate qu'il est mortel parce que je connais l'essence de Socrate, son humanité que je sais mortelle. D'où le syllogisme : Tous les hommes sont mortels, Socrate est un homme donc Socrate est mortel. De la connaissance de la cause ou de l'essence, je tire la connaissance de la singularité du sujet, de l'effet. Maintenant, considérons le syllogisme : Tout ce qui est rare est cher, un cheval borgne est rare, donc un cheval borgne est cher. Bien qu'il soit valide dans sa forme, ce syllogisme donne une conclusion fausse pour la simple raison que le moyen terme ou la cause de l'attribution n'exprime pas l'essence du sujet que 'l'on cherche à connaitre. En effet la rareté n'exprime pas l'essence du cheval borgne même si elle en est une propriété. Nous voyons donc comme la méthode synthétique permet d'établir une connaissance vraie des effets en partant de leur cause. Elle va de la connaissance du particulier en partant de la connaissance du général, de la connaissance des individus en partant de la connaissance de leur essence et cette essence s'exprime comme genre ou espèce, bref une généralité à laquelle appartient l'individu dont on juge, l'individu auquel nous souhaitons attribuer quelques vérités.
Pour Descartes, la méthode synthétique d’Aristote qui prétend connaître l’effet par la cause n’y parvient pas en fait. Comment la cause serait elle connue ? Comment dans la méthode synthétique, la cause, l'essence ou le moyen terme sont-ils trouvés ? Aristote lui-même renvoie à un processus d’induction (méthode analytique) qui trouve son point de départ dans la perception confuse de l’effet, dans l’intuition sensible matérielle. Ce cheval-ci m’en dit plus de la « chevalité » du cheval que l’essence du cheval, qui ne transparait que dans l’intuition sensible du « ceci-là », le Tode ti ou être individuel concret, et qui se donne sous la forme d’un universel abstrait de genre et d’espèce. La cause formelle est toujours un caractère spécifique abstrait qui trouve son origine dans une matière sensible et confuse. Ainsi pour Descartes la méthode synthétique aristotélicienne, est en réalité analytique, elle part d’une connaissance confuse de l’effet pour s’élever à des universels abstraits (de genre et d'espèce) qu’elle nous présente à tord comme des causes a priori. Au final elle examine les causes par les effets, et non l’inverse comme elle le prétend idéalement, nous dit Descartes dans sa Réponse aux deuxièmes objections des Méditations Métaphysiques. Le syllogisme qui attribut par l’essence ou la cause, un prédicat à un sujet, ne permet pas de découvrir la vérité, elle permet seulement de l’exposer. La méthode synthétique aristotélicienne ne nous fait rien connaître par elle-même, selon Descartes, elle n’est pas une méthode d’invention. Elle est tout au plus utile à l’exposition de la connaissance, jamais à sa découverte, car elle est en réalité un cercle selon lequel le fondement est issu de ce qu'il est censé fonder.
En relevant les défauts de la méthode synthétique aristotélicienne, Descartes, organisera sa méthode sous le modèle analytique. Les Méditations Métaphysiques recherchent la vérité à partir de l’idée claire et distincte sans en connaitre tout d'abord la cause. La méthode analytique de Descartes consiste à montrer « comment les effets dépendent des causes. » Réponse aux secondes objections. Dans l'ordre des Méditations, nous avons en effet l’idée claire et distincte de la substance pensante avant d'avoir l’idée de Dieu comme cause. C’est la méthode analytique qui remonte de la connaissance claire et distincte de l’effet à celle de la cause. C’est aussi une méthode d’inférence ou d’implication. C’est selon une telle méthode que les méditations s’organisent. Cette méthode va contre la méthode des anciens, c'est-à-dire contre l’aristotélisme qui va de la connaissance de la cause (essence ou moyen terme) à la connaissance de l'effet (individu).
Cependant, comme le remarquera Spinoza, connaître la cause à partir de l’idée claire et distincte de l’effet ne nous apprend rien d’autre de la cause que ce que nous connaissions dans et par l’effet. Il ne peut pas y avoir par la méthode analytique de connaissance adéquate de la cause, c'est à dire de Dieu, Traité de la réforme de l'entendement. Spinoza revient alors la méthode synthétique : Montrer comment la connaissance vraie de l’effet dépend elle-même de la connaissance adéquate de la cause. Dès lors contre Descartes, Spinoza se retrouve aristotélicien : « Ce qui est la même chose que les anciens ont dit : la science vraie procède de la cause aux effets. » Traité de la réforme de l'entendement. Connaître une chose, nous dit Aristote, c’est connaître les causes par lesquelles cette chose est ce qu’elle est nécessairement. Connaître c’est connaître les causes, Secondes analytiques, Métaphysique A. L’effet n’est connu que dans la mesure où la cause est d’abord connue. La connaissance claire et distincte de l’effet dépend de l’antériorité de la connaissance adéquate de la cause. Connaître la cause c’est connaître l’essence. La cause est le moyen terme (homme pour attribuer la mortalité à Socrate) qui fonde la relation de l’attribut au sujet. Connaître la cause c’est connaître toute les propriétés qui sont affirmées de l’effet. Il y a identité de la recherche de la définition ou essence et de la recherche de la cause.
Pour Spinoza donc, la méthode synthétique (qui va de la cause aux effets) est la seule méthode d’invention véritable, la seule qui vaille dans l’ordre de la connaissance. Mais Spinoza devra dépasser Aristote, s’il veut dépasser la méthode Cartésienne pour revenir à la seule méthode véritable. Dépasser Descartes sans retomber dans les apories aristotéliciennes soulevées par celui-ci. Il faut surmonter les objections de Descartes et les difficultés de l’aristotélisme. Pour Spinoza il revient au même d’abstraire un universel à partir d’une connaissance confuse de l’effet (Aristote) que d’inférer une cause à partir d’une connaissance claire de l’effet (Descartes). Spinoza renvoie donc Descartes et Aristote dos à dos. Contre Aristote, Spinoza affirme que la cause formelle d’une idée n’est pas un universel abstrait, de genre ou d’espèce, qui renvoie à une puissance d’imaginer diminuant à mesure que nous comprenons plus de choses. La cause formelle de l’idée vraie c’est notre puissance de comprendre et non d’imaginer et plus nous comprenons de choses, moins nous formons les fictions de genre et d’espèce, Traité de la réforme de l'entendement. D’autre part la cause matérielle de l’idée n’est pas une perception sensible confuse. Contre Descartes, la méthode synthétique se confirme dans la conception de la causalité de Dieu. Pour Descartes Dieu est cause de soi, c'est-à-dire par soi ; et cause de tout ce qui est mais par sa transcendance, il demeure séparé de ses effets. De telles sortes qu’il y ait équivocité des sens de l’être, en quels sens se disent l'être de la cause c'est à dire de Dieu et en quels sens se disent l'être de ses effets c'est à dire des idées qui en émanent. L’être de Dieu est éminemment être et se dit –même si Descartes ne résout pas se problème- par analogie des sens des êtres créés qui sont les idées de Dieu. Alors que Pour Spinoza, Dieu est cause de soi, mais cause immanente de tout ce qui est. De telle sorte que comprendre Dieu c’est comprendre les créatures, et comprendre les créatures c’est comprendre Dieu sous un certain rapport. Par l’immanence de la cause à l’effet, de Dieu aux créatures, la méthode synthétique devient la méthode vraie de la connaissance adéquate dans la mesure où chaque être ou chaque idée est l'expression de Dieu sous le rapport singulier qui est le sien.