D’abord : faire sans savoir-faire. Dès lors que l’art est compris depuis Aristote comme production accompagnée de règles, l’art tombe dans l’orbite de la science, définie comme savoir du savoir-faire. Dans les règles de l’art quelque chose s’exécute, au double sens de faire et de faire (re)vivre ce que l’on fait mourir. Dans les règles de l’art, soit dans le cadre du savoir-faire ou de la science, dans ce qui norme ou ce qui fixe, périt ce que l’on (re)produit. Faire sans savoir-faire c’est déjà se mettre hors cadre, en contrebande ou hors champ. C’est déjà par soi défaire le cadre, devenir a-topique, trans-territorial, particule incertaine du point de vue de sa détermination scientifique, sans identité trans-singulière, ou ayant la singularité comme seule identité. Faire sans savoir-faire c’est défaire la belle forme apollinienne qui fonde notre culture en terre grecque, où –en temps et en lieu- s’oublie la primitivité des forces, la primitivité tragique des forces dionysiaques, où s’oublie la vie dans une forme.
Ensuite : défaire le cadre. Défaire le savoir-faire c’est aussi défaire le lieu, scène de la mise en œuvre, où le lieu est topos à partir duquel s’éternise dans son cadre où dans sa forme, le « Ça a été » qui n’est plus. A la mort du présenté dans sa (re)présentation cadrée, il s’agit d’opposer la déconstruction de la forme. Et d’abord la première, géométrique –du carré ou du rectangle- celle du cadre, forme qui encadre, qui n’envisage qu’en dévisageant, qui arrache la figure au devenir et l’éternise en une forme. La première selon l’essence, forme de toutes formes, ordre de tout ordre : « être dans le cadre » ; d’abord la première qui précède en droit toutes les autres –figuratives ou abstraites. D’abord celle-là. Eclater le cadre, éclat qui n’est ni du sujet ni de l’objet ; qui, comme tout éclat, est cosmos. Eclat de ce dont il est l’éclat, tout le cosmos en un seul coup d’éclat. Alors, dans la transfiguration du cadre repartir des éléments premiers, de la ligne et du cercle, du noir, du blanc et des couleurs primaires.
Enfin : mon nom est Jean Martial-Guilhem et je ne sais pas peindre. Cela ne requiert aucune justification mais suffit à toute prétention. Car d’abord : faire sans savoir-faire…
Moi-même, assommé, ai commencé sans cri. Peut-être avais-je appris à défaire mon savoir-faire primal ...
"Alors, dans la transfiguration du cadre repartir des éléments premiers, de la ligne et du cercle, du noir, du blanc et des couleurs primaires."
Cela n'a-t-il pas déjà été fait (par Malevitch, Kandinsky ou Mondrian) ? Pourquoi le refaire ? La peinture en est morte...
Malévitch n'a plus peint (si ce n'est en "rejouant" son parcours pictural à deux decennies de distance) après son carré blanc, Kandinsky a fini par se noyer dans ses découvertes théoriques, Mondrian s'est perdu dans l'exploration de son monde orthogonal.
Duchamp, le plus malin (à tous les sens du terme) une fois l'oeuvre réduite au concept, a eu l'élégance d'aller jouer aux échecs se moquant bien de toutes ces fadaises artistiques auxquelles il avait coupé les ailes.
Et nos suiveurs conceptualistes et minimalistes encombrent nos FRAC, FIACS et autre Centres d'Art de leurs déchets qui ne signifient qu'une chose, qu'ils ont eu la malchance de naître après Duchamp... alors qu'une seule chose eu compté : être Duchamp.