Le bien conditionne nécessairement toute action. Est-ce que celui qui veut tuer tout le monde, veut le meutre comme un mal ? Non. Celui qui veut tuer tout le monde, veut le bien dans son action. Il veut ce qui va lui faire du bien et non ce qui va lui faire du mal. Nul ne veut le mal volontairement. Le mal n’est qu’une erreur de jugement. C’est à dire faire le mal alors que c’est le bien que l’on veut. Le bien, c’est à dire le bonheur. On fait le mal en visant notre bien, autrement dit le bonheur. Mais c’est une erreur, involontaire. C’est pourquoi les stoïciens et les epicuriens -bien que de manière différente- liaient analytiquement la vertu et le bonheur. Pour les stoïciens, l’action bonne menait au bonheur, pour les épicuriens, c’est le bonheur qui menait à la vertu.
Ainsi bonheur et vertu analytiquement liés, nous ne pouvons qu’être vertueux, dans la mesure où la mauvaise action, nous détruira.
Or Sade avant Kant, montrera que le bonheur n’est pas analytiquement lié à la vertu. Si la vertu ne nous mènera pas nécessairement au bonheur, le bonheur ne nous rendra pas plus vertueux. La morale doit être fondée sur autre chose que le bonheur. Il n’y a aucune corrélation nécessaire entre bonheur et vertu. Justine ou les malheurs de la vertu, Juliette ou les prospérités du vice le montrent assez bien. Kant conditionnera l’action morale sur autre chose que le bonheur. La volonté se veut elle-même, c’est le signe qu’elle est libre. Mais se sera aussi le signe du destin tragique de l’humanité. Rien ne peut me garantir le bonheur autrement que sous la forme du "règne des fins". Sans doute y a-t-il une certaine corrélation entre Oedipe et l’homme moral kantien : le séparé des Dieux.
4 commentaires
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Est-ce que le bonheur peut se comprendre comme soulagement ? Parce que le soulagement est une sorte de délestation, pas le bonheur, enfin je crois. Il en va de même pour l'obéissance, qui est un acte qui n'est pas nécessairement bénéfique, tout au plus une tranquillité passagère.
"La volonté se veut elle-même, c'est le signe qu'elle est libre." Je ne saisis pas cette phrase. Bêtement, si je comprends ce que tu dis, la volonté a une volonté qui se veut elle-même. Mmh, c'est joliment tourné mais ça ne me dit rien. Peux-tu m'éclairer sur ce point ?
La volonté qui se veut elle-même, c'est une formule qu'on ne trouvera pas chez Kant, mais qui permet de rapporcher Kant de la volonté de puissance de Nietzsche. J'ai déjà fait un truc là dessus quelque part par là, sur les trois formes de volonté.
La volonté qui se veut elle-même ça veut dire, qu'elle n'est déterminée par rien d'autre, que par l'objet qu'elle pose elle-même. Cet objet c'est la loi morale, qui n'est pas extéreure à la volonté. La volonté est à la fois juge et partie. C'est pourquoi elle est libre car elle se donne à elle-même les règles de son exercice. Partant elle ne doit rien attendre à être morale. Sauf à espérer que toutes (les volonté humaines) le soient aussi. Ce qui s'accomplira dans l'espoir de ce que Kant appelle le règne des fins, où seront levées toutes les contradictions.
L'homme moral kantien n'est pas le séparé des dieux, il est au contraire "celui qui plait à Dieu" car par son action autonome, il signe son appartenance à un règne suprasensible de l'esprit, de l'ame. De plus, le "règne des fins" se pense comme effort moral humain à reconduire sans cesse contre la voix de la nature en nous-mêmes et comme espérance ontologique. ((il serait d'ailleurs intéressant de réflechir sur le rapport de la politique civilisationnelle d'un monde universel de l'homo economicus et le mode de l'espérance dans l'humanisme rationaliste des lumières...)) Le règne des fins est lié à une politique de l'espérance incontestablement, (voir la religion ds les limites..) mais ce règne est un règne intérieur, qui ne confond pas avec de l'éco ou du juridique, qui relève de l'exterieur ou de la simple légalité.
En fait, la volonté qui se veut elle-meme signifie que la volonté s'affirme comme esprit, comme "personne" et non comme individu égoiste soumis au dictat de la nature en lui-même. De plus, le moteur motivationnel de l'action bonne est à chercher dans le sentiment rationnel du respect. Autrement dit, dans de l'affect. On ne le dit jamais. On pense que c'est la froide raison qui conditionne l'action.
Il y a la reconnaissance au niveau sensible d'une dimension sublime de l'humain. Cette reconnaissance est une inter-reconnaissance...
Mais cette appartenance de l'âme au règne supasensible n'est jamais effective, elle est toujours différée, n'est jamais que promise dans et par le règne des fins qui demeure hypothétique. Dans une philosophie comme celle de Platon, l'homme dans l'erreur n'est jamais que dans l'oubli de ce à quoi il est fondamentalement rattaché, le divin. La séparation n'est qu'une perte d'esprit momentanée, il est illusoire et non réelle. Chez Kant, et dans la pensée moderne en générale, au contraire, la séparation est première et effective sur toute conversion à l'ordre moral ou divin.
Il est intéressant de rappeler que le moteur de l'action morale étant le sentiment du respect, celui-ci est donc d'ordre affectif. D'ailleurs si Dieu est une idée de la raison, il ne se manifeste que dans le sentiment chez Kant, il me semble, ne serait-ce que dans celui du sublime.