Il n’est pas question de porter un quelconque regard sur ce qui vient de se passer, d’autres s’en chargent ; plutôt mal le plus souvent. Mais dans l’effervescence généralisée, un grader de la police dont il se faisait le porte parole, assimilait les violences urbaines contre les institutions de la république aux violences et contestations menaient par certains citoyens contre la police lors d’expulsions d’immigrés en situations illégales. Dans les deux cas il s’agissait pour lui d’une haine immédiate du policier.
Si dans certains cas nous sommes effectivement dans la réaction et l’immédiateté -au regard desquels il n’y a par ailleurs rien à dire- il y a des actes de contestations dont les processus sont un peu plus complexes.
En effet il y va ici de la question de la légitimité et de la légalité. Il se peut que dans certains cas -et sans remettre en cause la république elle-même, au contraire- des lois peuvent être jugées illégitimes au regard de ce qu’on appelle le droit naturel.
Lorsque le droit positif s’oppose au droit naturel, la révolte est légitime. On trouve déjà cette possibilité de la révolte chez le fondateur de la République moderne. La révolte constitue pour Hobbes la garantie que la République -veillant à l’intérêt de tous-ne vire pas en une tyrannie qui irait contre le droit naturel des citoyens. Et on trouvait déjà dans la tragédie grecque l’idée de la révolte, lorsque Antigone s’oppose au décret de Créon interdisant l’ensevelissement de Polynice. Contre la loi écrite de Créon, Antigone fait valoir son droit naturel. Avec Antigone naissait déjà l’idée du droit naturel moderne, qui ne prendra tout son sens philosophique qu’avec Hobbes. "Je ne pense pas que tes décrets soient assez forts, dit Antigone à Créon, pour que toi, mortel, tu puisses passer outre aux lois non écrites et immuables des dieux."
Toutes les révoltes ne sont donc pas indice de nihilisme lorsqu’elles sont, sous le signe du droit naturel, opposées au droit positif jugé illégitime.