C’est la tendance, on aime la science pure, la science dure. Celle qui nous rassure, qui chiffre, qui classe. Qui nous dit à demi mots ce qu’est le bien, ce qu’est le mal. Ce qu’il faut penser et ce qu’il ne faut pas penser. Et toutes les sciences marchent de concert, de la physique à la biologie, en passant par la sociologie. Mais quelle est la nature de ce consensus, de cette scientificité, sur laquelle s’accordent toutes sciences ?
La science n’est pas pure. Elle est une manière de forcer la nature à répondre à ses questions dans le but de l’asservir. Aucune théorie scientifique n’est pure ou désintéressée. Toute théorie scientifique est idéologique, elle veut quelque chose en posant ses objets comme la réalité ultime. Il n’y a pas de progrès dans les sciences qui nous mènerait de nouveauté en nouveauté, vers une compréhension plus fine, plus précise de la réalité. Il n’y a d’ailleurs pas de nouveauté en science. Ni de finesses dans la réalité. La science n’est jamais que la volonté constante de se conformer à l’idéologie de l’empire.

Nous sommes au monde comme dans une durée noire. L’opacité extrême de notre condition est la seule réalité dans laquelle, par les nécessités du vivre, nous faisons acte d’abstraction. Et nous prenons nos abstractions pour des réalités ultimes. Et aussi peu que le chiffre, ni l’atome ni le gêne, ni aucunes des abstractions objectives de la science n’ont de réalité. Ce ne sont que des montages intellectuels qui nous permette de vivre par la négation de ce qui nous dépasse. Elle forme de la nature une image, juste une image qui ne sera jamais une image juste. C’est faire preuve d’une naïveté époustouflante ou pire encore d’une mauvaise foi inquiétante que de croire encore à l’instar de Galilée que la nature est écrite en langage mathématique, que la nature est codifiée par le gêne, l’ADN, l’atome, etc. Les objets de la science, ne sont que les moyens utiles, les leviers efficaces à son arraisonnement, à son asservissement, bref à son utilisation. Car la démarche de la science est avant tout utilitariste.

L’idéologie est constante et traverse les temps : "se rendre comme maître et possesseur de la nature". Les abstractions de la science ne sont pas l’écriture de la nature, elles sont la traduction conforme au nécessité du vivre et de sa conservation. La nature se déploie comme elle l’entend sourde et infidèle à nos concepts.
L’inquiétude croît lorsque plus personne ne semble s’émouvoir des attaques barbares portées par notre époque scientiste, absolue et toute puissante, à la philosophie. Pour l’homme du XXI siècle, la philosophie n’est rien moins que dangereuse lorsqu’elle est, sans fondement aucun, ralliée aux dogmatismes religieux. Voire désuète, fille hystérique d’un autre âge prompte à attendrir l’époque de la raison, lorsqu’elle est -toujours sans fondement- ralliée à une espèce d’alchimie chimérique.
C’est alors que nous avons besoin de philosophie. Lorsque la science dans l’oubli de son origine ne sait plus ce qu’elle fait, confortée par la conformité à l’idéologie victorieuse de l’arraisonnement. Nous avons besoin d’une philosophie de l’inquiétude, de la marge, de la fluidité. Bref d’une philosophie virale.