Sans doute j’existe et la question de mon existence n’est pas un problème tant précisément elle s’oublie sans cesse dans son exister, ou –dirons-nous techniquement- dans ses préoccupations quotidiennes. Je m’oublie moi-même dans mon existence comme l’être s’oublie dans l’étant ou la nature dans la science… Mais dans cet oubli nécessaire à la vie (Nietzsche) jamais n’est posée la question fondamentale de l’existence elle-même.
Aussi y a-t-il sans doute des couches d’individuation qui allant du public à l’intime s’approchent de la singularité sans jamais la saisir, la cerner ou la dire ; qui sont au tant de couches impropres de ce que je suis : une nationalité, une profession, une fonction, une filiation… Autant d’attributs dont le sujet demeure le principal absent ; sans doute à juste titre. « Qui » au fond se dissimule, « qui » mettrons-nous à jour au long de l’effeuillage des couches d’individuations ?
Mais d’abord, le pronom interrogatif prend-il ici la bonne forme ? Car en effet il ne va pas de soi que celui-ci prenne la forme d’un qui, pouvant tout aussi bien prendre la forme d’un quoi.
Pour Platon l’injonction delphique « connais-toi toi-même » est une injonction fondamentale à philosopher. Celle-ci tend à nous faire considérer le sujet comme un « qui ». Qui suis-je ? qui est ce « je » qui s’offre à sa propre connaissance ? Qui es-tu, demandait Socrate à Alcibiade, toi qui te soucis des honneurs et des richesses, bref, qui t’enfermes dans les préoccupations quotidiennes, autrement dit dans le corps au détriment de ce « que » tu es, c’est-à-dire une âme ? Mais la question fondamentale se voit ainsi immédiatement muée en problème dès lors qu’elle se formule à partir de sa réponse, c’est-à-dire de sa solution. Le qui se transforme en un quoi, dès lors qu’il est ramené à une âme ou plus tard avec Descartes à une substance pensante, se définissant négativement par rapport à ce à quoi elle s’oppose, c’est-à-dire le corps qu’elle n’est pas. La question de l’être même du sujet posée dans les termes d’un « quoi » substantifié en âme ou esprit, biffe la question de son être même déterminé sur le mode des étants.
Pourtant la détermination platonicienne laissait ouverte la question de l’être même du qui. Car la question fondamentale du qui n’est pas un simple problème pour la raison, mais une interrogation infinie sur le sens de l’existence, sur l’existence même.
A suivre...
4 commentaires
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Ouh,j'ai du mal moi avec la philosophie...Deux mois sans en faire et je ne vais plus en faire alors ça ne pourra être que dur pour moi de comprendre,mais j'admise vraiment.
Dites-moi,vous faite de la philosophie par passion ou c'est également votre métier ?
je ne saisis pas le rapport avec le titre, peut-être la deuxième partie m'éclairera.
Alors ? éclairante la seconde partie ? ça marche pas toujours comme on voudrait entre l'intention et sa réalisation. mais c'est ce qui oblige à faire, refaire, répéter, recommencer... sinon ça va ?
Oui, plus éclairante la seconde partie en effet. Est-ce que ça va ? Difficile à dire. Certaines choses vont et d'autres moins. Trop de projets en route, fatigue et parfois auto-agacement. Ceci dit, je viens de livre un livre qui m'a fait penser à toi, en ce sens où je me suis dit : ce livre, Jean doit le lire. C'est de Kenneth White, ça s'appelle dialogue avec Deleuze, et c'est à la hauteur de ce qu'on peut en attendre. Bon, c'est chez un éditeur confidentiel dirons-nous, Isolato, tu risques d'avoir du mal à le trouver (sauf sur amazon.fr) ... Mais s'il te passe entre les mains, n'hésite surtout pas !! Le concept de géopoésie devrait te réjouir. A bientôt j'espère.