En effet si le méchant était systématiquement malheureux, le mal s’annulerait de lui-même, puisque ce que chacun veut c’est son propre bien, c’est à dire son bonheur. Mais dès lors que bonheur et vertu ne sont pas analytiquement liés, alors la question du mal demeure. Elle n’est plus la simple erreur de jugement à laquelle voulait la réduire Platon, faire le mal en voulant le bien. Le problème du mal demeure plus complexe que la question qui le formule. A moins que le problème soit tout simplement mal posé. On a pensé suprimer le mal en posant l’affirmation univoque du Bien, face auquel le mal n’était rien. Certes. Mais une autre façon de nier le mal serait de nier en même temps le Bien relativement auquel il se pose pour s’annuler à force d’opposition. La question du mal n’est plus un problème dès lors que la question du bien n’en est plus un non plus.
Au Bien en soi par rapport auquel le mal est nié, se substitue le bon et le mauvais pour soi. Ainsi d’une Morale -dont on a vu qu’elle constituait tout le fondement de la pensée occidentale- se substitue une "Ethique" telle que Spinoza la met en place dans un au-delà du bien et du mal. A l’impératif moral sous l’ordre du Bien se substitue des manières de vivre, autant de manière de vivre qu’il y a de modes finis existant, d’essences singulières, de manières d’affecter et d’être affectés. Il n’y a plus de Bien comme norme une et universelle à laquelle devrait se conformer toute action en vue du bonheur mais autant de manière d’être qu’il y a d’existant ou d’essence singulières se composant les unes aux autres en vue de la joie.