La négation du mal est pour la pensée un impératif. L’existence du mal est intenable pour la rationalité dans la mesure où celui-ci dépasse le simple cadre de l’erreur morale ou d’action, pour atteindre aussi le cadre de la vérité intellectuelle. La négation du mal n’est pas seulement mobilisée dans le procés d’intention fait au Dieu des trois religions du livre. Elle est impérative pour toute pensée cohérente, au-delà du simple cadre des religions.
La négation du mal doit s’opérer sur deux plans. Un plan objectif et un plan subjectif. En mettant le Bien au principe des choses, des idées de ces choses, et de l’adéquations entre les idées et les choses, Platon nie l’existence du mal. Dans la mesure où seul le bien fait être en tant qu’il est seul principe de l’être, Platon non seulement dépossède le mal de toute vertu, le mal n’est principe de rien, rien n’est issu du mal, mais il retire au mal toute existence, dans la mesure où précisément seul le bien fait être. Si ce qui est, l’est par le Bien, alors le mal n’est pas. Non seulement le mal n’est principe de rien, mais surtout le mal n’est pas, il n’a pas d’existence, il est tout au plus un être de raison ou d’imagination qui n’a aucune existence réelle, qui n’est -au tant qu’il n’est rien- principe de rien.
La négation objective du mal implique donc la toute puissance d’un principe suprêment bon. Cependant la négation objective du mal, n’empêche pas de constater l’erreur autant dans la raison théorique de connaissance que dans la raison pratique ou morale. Le mal existe dès lors que je me trompe dans un énoncé ou dans une action. C’est pourquoi la négation objective du mal doit être redoublée d’une négation subjectif. L’erreur subjective est-elle effective ? Et y a-t-il un principe à l’erreur subjective ? Si l’erreur est bien effective ce n’est toute fois pas en vertu d’un principe, d’un certain malin génie, dont Descartes détruit l’hypothèse aussitôt l’avoir énoncée. S’il venait à quelqu’un l’idée de vouloir tuer tout le monde, il est aisé de montrer comme le fait Socrate, que ce n’est pas le mal qu’il veut, mais le bien. Celui qui veut tuer tout le monde, le veut pour son Bien, parce que celà lui procurrera du bien. Ce n’est donc pas volontairement que l’on fait le mal, puisque ce n’est jamais le mal que l’on veut, mais un certian bien. C’est donc comme le dit adimrablement la sentance socratique que "Nul n’est méchant volontairement". Nous nous voulons jamais le mal, l’erreur vient d’un problème de jugement, je fais le mal pour le bien. C’est une erreur qui n’est conditionnée par aucun mauvais principe aucune tendance défectueuse, car "nul n’est méchant volontairement". Seul l’acte est condamnable, la personne, elle, ne l’est pas.
Ainsi tant sur le plan objectif que subjectif l’existence du mal est niée. Le mal n’a pas d’être, il n’est pas. Et dès lors nous entrons dans l’empire de la moralité, sous le signe de la transcendance du Bien. C’est la morale qui est principe de toute chose, en tant que toute chose a le Bien pour principe. Connaître les choses c’est les connaître selon le principe qui les fait être : le Bien. Agir c’est agir selon le principe conforme à toute action : le Bien. C’est pourquoi rappelle Deleuze dans Différence et répétition, lorsque Nietzsche s’interroge sur les présupposés généraux de la philisophie, il dit qu’ils sont essentiellement moraux, "car seule la morale est capable de nous persuader que la pensée a une bonne nature et le penseur une bonne volonté, et seul le Bien peut fonder l’affinité de la pensée avec le Vrai". Une pensée qui ramène la diversité à l’unité et la différence à l’identité d’un prinicipe "célèbre des fiançailles monstrueuses, poursuit Deleuze, où la pensée retrouve l’Etat, retrouve l’Eglise, retrouve toutes les valeurs du temps qu’elle a fait passer subtilement sous la forme pure d’un éternel objet quelconque, éternellement béni".

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si précisément le lien entre moralité et bonheur était analytique. Car en effet le méchant fait le mal en voulant le bien, c’est à dire qu’il se trompe dans la mise en oeuvre des moyens en vue d’une fin qui est ce bien. Ce Bien précisément c’est ce que Aristote appelera le souverain Bien, c’est à dire le bonheur. Un bien tel qu’il n’y en ait pas de supérieur et que tout homme veut posséder. Le problème de l’effectivité du mal s’en trouverait par là même réglée si précisément la vertu était source de bonheur et le vice source de malheur. Or précisément ça ne marche pas comme ça, il arrive que le vice soit source de prospérité et que la vertu soit source de malheur. Cette disjonction entre vertu et bonheur, Sade l’illustre dans ses deux ouvrages que sont Juliette ou les prospérités du vice et Justine ou les malheurs de la vertu. Et cette disjonction entre bonheur et vertu constitue le véritable scandale de la raison pratique et morale.(à suivre)