La chose et la mathématique grecque :
Pour Aristote les mathématiques ne sont ni la loi d’être des choses ni la norme de la connaissance vraie. Toute science est science d’un genre, et il n’y a pas communication entre genres différents. Un homme et une pierre demeurent l’un à l’autre par le genre sans commune mesure. Or le genre d’être des objets mathématiques diffère du genre d’être des objets physiques, choses ou étants. Remarquons que physique ici ne renvoit pas à une détermination moderne de ce que l’on entend sous le nom de sciences physiques, mais à la détermination grecque de phusis c’est à dire nature.
Les objets de la physique appartiennent au genre des êtres séparés et mobiles. Les objets de la mathématique appartiennent aux genres des êtres immobiles et non séparés. Dès lors la mathématique ne nous dit rien sur l’être même des choses de la nature.
De plus les objets mathématiques n’étant pas séparés -séparé signifiant être par soi ce qui s’oppose à être par accident- les mathématiques restent à la surface des choses dont elles ignorent l’essence ou la substance, c’est à dire l’être par soi. C’est pourquoi pour Aristote la propriété pour la somme des angles d’un triangle d’être égale à deux droits, n’est qu’un accident du triangle.
Pour Platon dans le Timée, tout au contraire d’Aristote, le démiurge façonne le monde, l’accomplit et le structure de manière toute mathématique. Le démiurge jongle avec des sphères et des cubes, les surfaces et les lignes et ainsi construit un monde tout semblable à celui que nous voyons. Cependant, Platon lui-même l’affirme, le Timée est un dialogue où la vérité est enveloppée du vêtement de la fiction et du mythe. Les propositions du Timée ne sont recevables qu’au niveau d’un langage d’imagination. Et c’est pourquoi Platon pourra affirmer dans la République que "les mathématiciens rêvent autour de l’être".