En donnant toute primauté au cogito déterminé comme substance pensante, Descartes est présenté non seulement comme l’instaurateur de la philosophie moderne, mais au-delà, comme l’instaurateur de la modernité. Mais ce "je" du commencement n’est jamais que l’idiot de la bétise, l’idion du On. Ce n’est jamais qu’un On qui dit dit Je, la raison universelle formalisée à la première personne, n’est pas une singularité. C’est pourquoi la subjectivité peut avoir valeur d’objectivité. L’unité de l’objectif et du subjectif dans le nouveau commencement cartésien permet d’unir les deux sens de raison : ratio cognoscendi et ratio essendi, raison du connaître et raison de l’être de ce qui est à connaître.
8 commentaires
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Je crois que tu vas trop vite en besogne. Effectivement descartes substantialise ce qui était d'abord donné dans un retour reflexif à soi comme acte. Acte d'etre.
Le je pense est donc originairement l'affirmation de l'existence de la pensée. Verité universelle qui ne pretend pas à la singularité.
De plus la personne singulière en tant que telle se fait rare dans une philo qui est plus amour de la vérité c'est a dire de l'universel que amour tout court.
Merci d'abord pour cette réaction. Je voudrais dire que la disjonction entre amour de la vérité et singularité disons, de l'être humain n'était pas si évidente dans l'histoire de la philosophie. Socrate prend par exemple l'injonction delphique : "Connais-toi toi-même" pour le commencement à la philosophie. Et même si la connaissance de soi se substantialise en quelque sorte dans l'âme chez Platon, cette connaissance demeure tout de même quelque chose de singulier.
Mais c'est sans avec doute Heidegger, que la philosophie trouvera au-delà de l'objectivisme son enracinement dans la singularité de l'être et de l'existence par la figure de l'authenticité.
Cependant rare sont je crois les philosophes qui auront traités de l'amour tout court, même si l'amour -sous la figure de l'Eros- est pour Socrate encore, le chemin vers la connaissance pure, c'est à dire idéelle.
Je ne connais pas bien heidegger. Peut-etre pourrai tu m'en dire plus.
Mais en ce qui concerne les grecs je pense qu'au contraire la pensée du singulier est problématique car l'individu ne se pense que comme englobé dans un grand tout cosmologique. L'amour de la "personne" est inexistante. C'est toujours l'amour de la dialectique ascendante des corps, puis des idées puis du Bien ...Avec Plotin, ca devient l'amour de l'Un et dans sa christianisation l'amour de Dieu. La thèse pascalienne de l'amour en Dieu permet de comprendre la personne comme singulière et non pas seulement particulière ou comme un fragment d'universel. Autrement dit, il se produit une transformation: de fragment de fatalité, de cosmos, je deviens une personne singulière dans l'amour en dieu. Partir de la seule subjectivité finie entendue comme dasein et pretendre a la singularité en faisant éclater l'objectivisme et l'universalisme rationaliste me semble une entreprise interessante. Mais on connait son anti-humanisme. Comment fonder une morale du dasein?
Merci, c'est trés intéressant. On pourrait aussi penser à saint Augustin, à l'amour de soi, à l'accès à la divinité par la mémoire ou l'anamnèse et à un trés beau livre de Jean-Louis Chrétien, "L'inoubliable et l'inespéré".
Quant à l'idée d'une morale -peut-être plutôt d'une éthique- chez Heidegger, c'est trés intéressant aussi. Qu'est ce que entend par l'anti-humanisme de Heidegger ?
Dans une perspective Neitzschéenne, l'anti-huminsime s'entend à partir de la mort de Dieu, par la quelle l'homme sous l'espèce de l'humanité prend sur lui la figure divine, et ses valeurs sous l'aspect de la morale. C'est pourquoi, il serait plus à propos de parler d'une éthique (spinoziste par exemple) que d'une morale dans un anti-humanisme. Mais la question reste ouverte. Cependant il y a peut être quelques autres billets ici qui peuvent éclairer sur la mort de Dieu, l'humanisme, et Heidegger.
Je pense que la mort de Dieu appelle déjà l'idée de la mort de l'homme entendu comme toujours trop humain, enfantant sans cesse de nouvelles idoles tel l'humanisme ou la morale que Nietzsche pense comme des transcendances intériorisées.
Que peut bien signifier une éthique chez Nietzsche? La "morale du grand style", du grand midi, du sens de la terre...Non l'amour du prochain mais du surhomme. Non, je me trompe: il dit du surhumain, un état, un rapport. Comme tu le vois (je me pemet de te tutoyer, c'est chaleureux), il n'y a pas d'amour de la personne, ni meme du singulier, mais de la vie en état de tension sur elle-meme.
Il y a un amour de ce que Nietzsche entend par "etre", n'en déplaise à heidegger.
Aucun problème pour le tutoiement eu égard à la politesse et à la familiarité de l'esprit. Aprés Dieu, l'humain trop humain puis le surhomme. La figure du surhomme est celle du danseur et de la légéreté, la figure de la création et de l'amor fati. L'affirmation succèdant à la négation, l'éthique succède à la morale. Car en effet, l'amour n'est pas celui de la personne, mais peut-être bien de la singularité dans la mesure où celle-ci est l'expression du "plan", comme chaque combinaison exprime l'émission du coup de dès -pour reprendre l'image de Deleuze elle-même empruntée d'Héraclite, Nietzsche...
Une éthique de la création et de la joie peut s'envisager dès lors qu'il est possible d'envisager l'expression de l'universel (le plan d'immanence, la substance spinoziste, le coup de dès, le fatum...) sous la raison du singulier. C'est peut-être pas trés clair, mais je pense qu'il y a une corrélation essentielle et nécessaire entre cet amour de la vie en perpétuelle tension que j'interprète comme plan d'immanence, et la singularité. Dans la mesure où peuvent (et peut être doivent) s'interpréter le singulier et "la vie" dans des rapports d'expression de types spinozistes.
Tout cela m'intéresse particulièrement car je travaille sur un sujet similaire!
Je pense qu'il est difficile de penser que le surhomme nietzschéen est un singulier comme expression de l'universel.
Il y a une critique acerbe de tout ce qui pretend à l'universalité chez Nietzsche.
Pour aller vite disons que Nietzsche dénonce la dimension morale de l'ontologie.
La vérité est plébéienne donc elle ment. Nietzsche hait tout ce qui relève du "troupeau".En fait, je pencherai plutot pour dire que la morale du grand style n'est pas une éthique, car l'autre en tant que tel n'entre pas en ligne de compte dans l'évaluation des valeurs. Ce que Nietzsche interroge c'est le style de volonté. Sincèrement, on est pas si loin de Kant...Nietzsche se rapporte lui aussi à un absolu qui n'est plus la forme universelle de la raison pratique mais la vie.
El la vie est protéiforme, multiple et n'est raménée à l'unité que par interprétation de la vie "comme volonté de puissance".
Par contre, c'est possible chez Spinoza car il ya une thèorie de la communauté, du politique, de l'altérité.
Je ne pense pas que la substance de Spinoza et la volonté de puissance soient du meme ordre.
Qu'en penses-tu?
Oui c'est intéressant mais je ne suis pas tout à fait d'accord sur certains points. Plutôt que de répondre, si tu le permets, je vais faire un billet là dessus. Je crois qu'il y a quelques points intéressants.