Quelle que soit la tendance par laquelle on la définisse, la politique est création de formes en ce sens elle peut être déterminée comme un Art. Il s’agirait alors de légitimer cette détermination de la politique comme art. Pour ce faire il est utile de remarquer qu’il n’y a pas d’objet politique qui soit de nature Phusei. Or dans l’économie Aristotélicienne qui est dans une certaine mesure encore la notre, ce qui n’est pas par nature est œuvre Ergon, issue de la Techné, savoir faire. Dès lors si la politique n’est pas quelque chose de naturel, elle est un objet de l’art. C’est pourquoi Platon dans Les Lois détermine le nomothète (législateur) comme le véritable tragédien. La tragédie consiste dans la scission de l’homme et du divin. A l’homme est substitué le savoir divin, le savoir de l’ordre dont il ne lui reste que l’image dans l’harmonie du ciel étoilé. La tragédie c’est Œdipe qui ne sait pas qu’il a commis l’inceste et le parricide lorsque Tirésias le devin connaît l’ordre des choses. Or la véritable tragédie, la tragédie classique, doit se conclure par le retour de l’ordre, à l’image des mouvements célestes comme infini recommencement du Même par le retour à soi du premier mouvement corrupteur. Alors dans la tragédie d’Eschyle, Clytemnestre tue Agamemnon, Oreste tue Clytemnestre pour venger son père. Le premier meurtre est corruptif, le second de vengeance est réparateur. Le meurtre de Clytemnestre est associé à la vengeance d’Oreste, il fait revenir l’ordre par la réalisation de la divination de Cassandre. De même, l’œuvre du nomothète consiste à accomplir la divinité en l’homme, faire revenir les dieux parmi les hommes, en accomplissant la divinité dans l’homme par l’actualisation de son essence : la rationalité. C’est dans la cité que l’homme peut accomplir sa plus haute vertu. La politique consiste à restituer l’ordre divin dans l’humain. En ce sens le nomothète peut être dit le véritable tragédien, et par conséquent il est légitime de parler de politique dans les termes de l’art. Cependant la difficulté pour Platon lui-même c’est que sa République demeure idéale, purement formelle. Elle reste du domaine du possible, irréalisable, ineffectuable. On dit à ce titre qu’elle aurait inspiré la politique communiste du Cambodge. Tout y est réglé et fixé comme dans une véritable pièce de théâtre : la fonction de chacun, la manière de l’exercer, le nombre d’enfants, la rétribution, la communauté des biens, des femmes et des enfants… L’individu préexiste formellement à sa détermination concrète. La République platonicienne est le paradigme de tout régime politique : l’idéalité de la forme, la constitution formelle de l’individu comme citoyen puis plus tard comme personne, qui est sa fonction… ne permette pas de penser la liberté politique, c’est-à-dire la démocratie, qui s’invente avec les romains en tant que société civile. La société civile joue comme instance régulatrice du pouvoir, comme force de plasticité dans la forme des institutions. La notion de personne qui la compose, s’oppose à celle d’individu. La détermination purement formelle et fixe de l’individu, devient mouvante.