Remettre en cause l’inconscient psychanalytique en tant qu’objet de science ce n’est pas faire retour à la positivité pleine et entière du sujet cartésien où le pour soi se confond avec l’en soi. Sur l’inconscient tel qu’il est élaboré par la psychanalyse nous pouvons faire jouer la critique des faux problèmes de Bergson qui touchent les questions du néant, du désordre et du possible. Les faux problèmes sont des types de problèmes inexistants qui reposent sur la volonté de rendre raison du réel à partir d’un montage problématique tiré du réel lui-même. C’est en d’autres termes tiré le fondement de ce qu’il est sensé fonder, c’est donc prendre une différence de degré pour une différence de nature. Le fondement ne rend raison de ce qu’il fonde que dans la mesure où il diffère en nature de ce qu’il fonde, il est donc présumé différent et antérieur logiquement et chronologiquement. Or l’inconscient psychanalytique joue précisément comme un type de faux problème qui part d’un conditionné donné pour en chercher la condition et prétendre illusoirement faire dériver le conditionné de sa condition. De même que l’on suppose le possible logique comme condition du réel à partir du réel lui-même auquel on ôte son caractère de réalité.
Opposer à cet inconscient formel, il serait possible de restituer l’inconscient au corps comme puissance de l’être en opposant le virtuel au possible. La possibilité logique de l’objet de science comme centre de convergence des activités du corps tombe sous le coup de la critique marxiste de l’idéologie qui consiste à confondre l’idéel et le réel. Le possible reste une fausse notion, source de faux problèmes. On se donne un réel tout fait préexistant à lui-même à titre de possibilité. Dès lors au possible il s’agirait d’opposer le virtuel. Si le possible s’oppose au réel, le virtuel s’oppose à l’actuel mais non pas au réel. Le virtuel est une pleine réalité non encore actualisée, il est réel précisément à titre de virtualité. Le virtuel doit être défini comme stricte partie de l’objet réel, comme si l’objet avait une de ses parties dans le virtuel, et y plongeait comme dans une dimension objective. Non pas l’autre mais puissance du réel le virtuel est ce qui pousse le réel à lui-même. Il est l’activité immanente au réel. En tant que virtualité nous retrouvons la détermination leibnizienne de l’inconscient. L’inconscient de Leibniz n’est rien d’autre que du conscient virtuel, dans la mesure où il n’est qu’une perception jamais totalement réalisée, ce que nous percevons du réel interne et externe n’est que la résultante d’une infinité de petites perceptions non perçus. A titre de perception sans aperception c’est-à-dire de perception qui n’est pas consciente d’elle-même, l’inconscient est une partie réelle mais non actuelle de la conscience. L’inconscient en tant que virtualité de la conscience est une partie réelle et objective du sujet, même quand je ne m’aperçois pas, c’est encore moi. Mais le moi conscient s’élargit à des dimensions réelles mais non actuelle de lui-même, de telle sorte qu’il n’est jamais totalement identifiable. L’immanence de l’inconscient au sujet, s’oppose à la possibilité transcendantale de l’inconscient freudien comme objet de science et instance d’autorité en moi sans moi.
Cependant ce qui se produit à l’échelle microscopique des perceptions individuelles ne peut s’étendre à l’échelle macroscopique de tout le réel. Puisqu’à l’échelle de la totalité des événements du monde, nous retrouvons le problème du réel et du possible. Le monde est la conséquence d’un calcul divin. Calcul combinatoire de tous les mondes possibles parmi lesquels Dieu choisi le meilleur selon les critères d’économie et d’harmonie. Ainsi le Dieu mathématicien de Leibniz produit un monde parfaitement déterminé régit par le principe de raison suffisante. Le principe de raison suffisante veut qu’à chaque événement, chaque aventure d’un sujet, chaque détermination spatio-temporel, préside sa raison. Ainsi selon un tel principe de raison suffisante qui établit la rationalité totale du réel, il est permis de dire que tout ce qui arrive à un sujet, comme par exemple « franchir le Rubicon » pour le sujet « César » était contenu dans la notion du sujet « César ». Ainsi la totalité des événements s’agencent en une série convergente dont le centre est la raison divine. Ainsi tous les événements même infinitésimaux c’est-à-dire virtuels et inconscients s’agencent sous un principe plus haut de raison suffisante qui joue comme l’instance principielle de l’objet scientifique freudien.