Il est possible de diviser toutes les choses que porte le monde en deux catégories : les idoles et les icônes, avec l’idée ou l’original en ligne de partage. Ces deux manières d’être des étants nous renvoient aux distinctions platoniciennes : original, copie, simulacre ; où l’icône se dit copie, conforme à l’original et l’idole se dit simulacre qui n’entretient aucun rapport avec ce qu’elle prétend être. Aussi, de Platon à l’œuvre de Magritte Ceci n’est pas une pipe, l’art dans sa totalité renvoie pour la pensée métaphysique au simulacre. Et c’est à ce titre que Pascal dénoncera la peinture par sa vanité : « Quelle vanité que la peinture qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire point les originaux ». Bref pour prendre à Platon son exemple, le lit du charpentier est conforme à l’idée ou original en tant qu’il sert à dormir, lorsque le lit du peintre prétend être ce qu’il n’est pas dans la mesure où jamais il ne servira à dormir. Si rien ne distingue dans leur visibilité l’idole de l’icône, le tout visible de l’idole ne donne rien à voir au-delà d’elle-même. Lumière aveugle de la pornographie, opaque et sans mystère. Lorsque l’icône donne dans ses traits visibles le chiffre du mystère, l’inouï, l’invu, l’inapparaissant en personne, bref l’idée même. À la pornographie idolâtre, l’icône oppose le mystère érotique. Lorsque Diotime dans Le Banquet de Platon présente Eros comme fils de Poros et de Pénia, fils d’un Dieu et d’une mortelle, il se donne alors comme l’intermédiaire, le passeur entre deux mondes, du mortel et du divin. Dans le visible de l’icône filtre l’origine perdue.