Si l’on pardonne c’est que paradoxalement il y a de l’impardonnable. « Le pardon est mort à Auschwitz », affirmait le philosophe Jankélévitch. Le pardon se tient au-delà des limites, à l’excès. Il excède l’excusable lorsque l’excuse excuse, paye et fait payer, efface les dettes. Qu’elle renvoie à quelques circonstances atténuantes ou aux rachats de la faute, par l’excuse, nul n’est méchant volontairement. Le pardon, quant à lui, est difficile car, dans la situation limite où il s’exerce, il se donne sans retour. Que gagne-t-on alors à pardonner si le pardon n’efface rien ? Loin d’exclure la mémoire, le pardon la libère de sa douleur, du ressentiment et du désir de vengeance. Il libère le présent pathologiquement enfermé dans son passé afin d’ouvrir un avenir possible. La douleur de l’impardonnable, qu’elle soit publique ou privée, qu’elle soit celle d’un peuple ou d’un individu, s’efface dans le pardon. Et la mémoire enfin libérée pourra conjuguer au futur son devoir, sous la forme de l’impératif : « tu n’oublieras pas ».