Pour les philosophies inspirées des Livres saints, il n’est plus question d’expliquer le monde par un dualisme de forme et de matière. La matière ne saurait préexister à la création de Dieu. Dans son discours contre ceux qui rejettent les images, Damascène défend l’iconophile par la défense de la matière : " La matière est l’oeuvre de Dieu et elle est bonne. Mais toi si tu dis qu’elle est mauvaise, soit tu nies qu’elle provienne de Dieu, soit tu rends Dieu esponsable des maux."
Or si la matière incréée permettait pour Platon et Aristote d’expliquer le mal, le corruptible et le devenir comme quelque chose de rebelle à la parfaite actualisation de la forme, comment expliquer l’origine du mal dès lors que Dieu crée à partir de rien ?
Il est donc impossible de prime abord de faire tenir ensembnle la bonté et la toute puissance de Dieu. Si Dieu n’a pas tout créé, si Dieu donc n’est pas tout puissant, alors le mal a une origine qui n’est pas Dieu, donc Dieu est toute bonté. Mais si Dieu est tout puissant, qu’il a tout créé à partir de rien, alors Dieu est aussi nécessairement l’orignie du mal. Donc Dieu n’est pas toute bonté. Or le mal existe et ne peut pas être nié. Comment sauver la bonté et la toute puissance de Dieu face à l’existence du mal ?
Leibniz dans son Discours sur l’origine du mal et de la liberté humaine, s’attaque au problèlme de la liberté et de l’origine du mal à partir de la création ex nihilo. Dieu crée à partir de rien. Mais le rien n’est pas rien, il joue comme une cause incidente sur la création de Dieu. De même que le rien, permet à Platon dans la distinction des genres de penser l’Autre à partir du Même, ou que le zéro permet de penser la dizaine à partir de l’unité (1, 10), le néant n’est pas sans propriété.
A partir de rien, Dieu pour Leibniz calcule tous les mondes possibles pour ne réaliser que le meilleur. Or ces mondes possibles que Dieu calcule sans les réaliser, existent comme autant de séries possibles à côté de la série réalisée. De telle sorte qu’il est toujours possible, qu’une série possible interfère sur le série réalisée. Autrement dit le réel est plein de virtualités, de potentialités qui peuvent toujours intervenir sur la série voulue par Dieu. C’est pouorquoi, la toute puissance et la bonté de Dieu n’annule pas la liberté de la créature, ni ne s’oppose à l’existence du mal.
Or cette idée d’une néant créatif sous la forme de la virtualité dans le réel est une idée heuristique quant à la pensée du devenir et de l’évolution. Virtuel en latin virtualis, veut dire force, ce qui rejoint l’dée de puissance grecque qui se dit Dunamis, qui a donné le terme dynamique en français, et qui s’oppose à l’acte, energeïa. Mais même si comme le pense Aristote, qu’ontologiquement, chronologiquement et logiquement, l’acte précède toujours la puissance, il est possible d’affirmer avec Heidegger "qu’au-delà de l’effectivité se dresse la possibilité". Ainsi même si le tout est donné, il ne contredit pas la possibilité de l’imprévu, du hasard, c’est à dire de la nouveauté et de la différence. Car en effet tout est donné d’un coup sous la forme d’un être Un et univoque, absolument indifférencié, mais porteur de potentialités, de déséquilibres ou d’énergies potentielles pour le dire dans les termes de la physique moderne. C’est la manière dont Simondon pense la genèse physico-biologique de l’individu. Il y a dans le réel de l’évolution, du devenir irréductible à la prédiction car le réel est plein de virtualité, de désiquilibres. Les formes sont inachevées car elles sont pleines de virtualité.
Tout est donc donné d’un coup sous la forme d’un être un, univoque et indifférencié, qui se transforme sans cesse sous la dynamique potentialité ou virtualité.
2 commentaires
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Bonsoir Jean,
J'aime bien Leibniz moi aussi. Ce qui m'interesse c'est surtout la liberté en tant que telle plus que l'individuation et la difference par rapport à l'espèce. Et, sur ce point, je ne te suis pas sur cette idée qu'il y aurait un devenir autre chez Leibniz.
On peut en discuter mais si le réel résulte toujours d'un possible qui lui prexiste, je vois mal en quoi le devenir est autre au sens de radical, de neuf.
Il y a de la liberté ou de la libération, d'ailleurs, on peut surement le spinoziser sans problème. Mais, je crois qu'avec Leibniz on assiste à l'intériorisation de la finalité. il n'y a plus de finalité extérieure mais seulement interne. La monade contient substantiellement tout ses possibles, sa fin est intérieure.
Comment pourrait-il en être autrement puisqu'elle n'a pas de fenetre et qu'en tant que dynamique elle peut réaliser sa liberté de différenciation.
C'est en quelque sorte, le devenir actif spinoziste. Qu'en penses tu?
Peut-être est il possible d'adresser la même critique à Spinoza, n'y a t-il pas une finalité immanente??
Cela serait un comble pour un critique des finalismes moraux!!!
J'aime beaucoup cette formule:
"Mais le rien n'est pas rien, il joue comme une cause incidente sur la création de Dieu. De même que le rien, permet à Platon dans la distinction des genres de penser l'Autre à partir du Même, ou que le zéro permet de penser la dizaine à partir de l'unité (1, 10), le néant n'est pas sans propriété."
C'est justement là le problème, pour penser la différence en partant de l'identité, c'est toujours un pari difficile à tenir.
Le néant est comme l'envers necessaire du logicisme philosophique qui permet une dégradation de l'un en le faisant entrer dans le temps et dans le devenir. C'est pourquoi je ne penses pas comme toi que :
"Tout est donc donné d'un coup sous la forme d'un être un, univoque et indifférencié, qui se transforme sans cesse sous la dynamique potentialité ou virtualité."
Mais, j'attends tes remarques, peut-être me feras tu changer d'avis!
Je crois qu'il y a deux formes de liberté chez Leibniz. Une liberté de fait : Ce qui est absoluement déterminé en soi par Dieu, est pour nous comme indéterminé de par notre finitude. "Que de choses il faut ignorer pour pouvoir agir" nous dit P. Valery. L'univers est un être distributif ou sériel, par lequel tout n'est pas donné d'un coup, mais ce qui doit arriver arrive par nécessité, selon le principe de raison suffisante, nous, qui sommes finis ne savons pas ce qui va arriver. Mais si tout est déterminé, la liberté issue de notre finitude n'est jamais qu'une illusion, une liberté nagative. La liberté peut-elle changer le cours des choses ? Je dirais que oui chez Leibniz, mais il faut se siuter sur un autre plan, celui d'une liberté de droit. Quelle est sa nature ? Il y a en droit de l'indéterminé dans la mesure où la série réalisée, l'être distributif le meilleur, est bordé de mondes parallèles qui sont les mondes possibles non réalisés, mais qui existent dans le calcul de Dieu, dans le néant à partir duquel Dieu calcule tous les mondes possibles. Alors il y a effectivement une finalité interne à la monade qui iréalise la série la meilleure, mais les séries possibles non réalisées, interfèrent sur la finalité interne de la monade de telle sorte que de l'imprévisible soit toujours possible dans l'être déterminé. Quand je parle du Tout qui est donné d'un coup, il s'agit du tout de la monade, mais aussi des mondes possibles non réalisés. On retrouve l'intermrétation de Deleuze sur le jeu Héraclitéen dans "Nietzsche et la philosophie", la totalité du devenir, le multiple, le hasard, comme autant de fragments cosmiques, commandent l'être, l'un et le nécessaire. Il me semble que c'est le prix à payer pour sauver la liberté.