L’indifférence ontique nous renvoie à Heidegger selon qui la question de l’être distingue l’homme des autres étants. Il est le seul pour qui il y va de la question de l’être. L’homme ou Dasein se distingue des autres étants dans la mesure où il est l’étant dans l’être du quel il y va de la question de l’être. La différence ontique se spécifie donc sur la question de la différence ontologique entre l’être et l’étant. Or si l’être de l’étant n’est pas lui-même un étant, il est non-étant. Tel est le sens de la différence ontologique.
Mais la question de l’être précisément chez Heidegger, se pose à partir d’une certaine indifférence ontique. Ainsi l’indifférence ontique dont rêve la science masque l’indifférence ontique à partir de laquelle il y va de la question de l’être même. "La science manipule des objets qu’elle se refuse à habiter", Merleau-Ponty L’oeil et l’esprit.
Dans la mesure où l’être de l’étant n’est pas lui-même un étant comment en arrive-t-on à l’être ? Par la néantisation de l’étant, puisque l’être est non étant. Et maintenant comment en arrive-t-on à la néantisation de l’étant ? Par l’angoisse (Etre et Temps) ou l’ennui profond (Problèmes fondamentaux de la phénoménologie). Ce sont là deux tonalités affectives fondamentales. L’homme est au monde dans une certaine intonation. Nous n’avons pas d’abord un rapport au monde qui est de l’ordre de la connaissance mais de l’ordre de l’affect. L’homme est originellement au monde selon une certaine intonation comme la peur, la joie, etc. Mais parmi toutes ces intonations il en ait qui sont fondamentales, telles l’angoisse et l’ennui profond. Dans la mesure où l’angoisse ne s’angoisse devant rien. C’est le rien pur et simple qui angoisse, et non tel ou tel étant. Tout m’est indifférent dans l’angoisse, tout s’équivaut sans sa vacuité. Tout sauf le Dasein ou l’homme qui s’angoisse. En d’autres termes l’indifférence ontique que génère l’angoisse ou l’ennui profond, arrache le Dasein du monde des étants. Et c’est sur le Dasein qui repose la question de l’être dans sa différence avec l’étant. L’indifférence ontologique, lorsqu’elle est mal interprétée masque donc la question fondamentale de l’être. Question à partir de laquelle, il y va précisément de l’homme.
Voilà ici encore la marque de l’oubli redoublé. Et à croire qu’il n’est pas besoin de philosophie -outre le fait que la philosophie est ce qui permet de penser et que l’on peut faire l’économie de la philosophie si l’on souhaite faire l’économie de la pensée, Bachelard- ou bien encore que tout le monde peut se prétendre philosophe, l’humanité finit par errer sur ses ruines comme les singes sur les temples d’Angkor, Granel Traditionis traditio.
Comment peut-il n'y avoir pas besoin de philosophie lorsque la philosophie existe sans que nous l'évoquions ? Comment mesurer le taux de philosophie d'une civilisation ? Il me semble que Deleuze a été marqué par l'évènement suivant : un chat qu'il avait dans sa maison, qui est allé se mettre dans le coin de la pièce pour mourir, loin des regards. As-tu déjà vu un chien se laisser mourir après la mort de son maître ? C'est saisissant d'interprétation.
Je comprends pas ce que tu dis ou veux dire.
laisse tomber, mon côté Schopenhauer prend parfois le dessus ... L'angoisse qui s'angoisse devant rien, je ne comprends pas. A part si ce rien dont tu parles est la mort, là je comprends mieux.
C'est rien qui m'angoisse :
"qu'est ce que c'était ?"
"Rien, ce n'était rien".
le rien n'est pas la mort, puisque la mort n'est pas. Mais il est la possibilité de la mort, comme possibilité de toute impossibilité. Il est le rien pur et simple. Dont seul l'homme a conscience.
je veux bien te suivre sur cette voie, mais quelque chose me turlupine.
Déjà, ton rien ce n'était rien signifie juste que je ne veux pas en parler, ou que je ne l'ai pas saisi lorsqu'il s'est momentanément dévoilé.
Ensuite, dire que la mort n'est pas, c'est très spécial. Parce que ton "je pense donc je suis" est aussi "je ne pense pas donc je ne suis pas". Qu'est-ce qui te fait croire que tu penses , Jean ? Il me semble parfois saisir l'artifice de ce que l'on appelle pensée. Lorsque je sors de moi.
Enfin, avoir conscience, c'est aussi ressentir. L'animal ressens plus radicalement sa fin, comme le chat de Deleuze. C'est pour cela que j'en parlais, mais je n'ai pas été très explicite je l'avoue ...
L'homme comme l'animal -qu'il est d'abord- ont affaire avec ce que nous appelons l'étant, les choses de la nature, qui deviennent pour celui qui s'en sert, chose du monde, chose dont use on pour telle ou telle fin. Voilà notre rapport originel au monde, en ce qui concerne l'homme et l'animal. On a toujours affaire aux choses du monde.
Dans ce premier commerce avec ces choses devenus ustensiles, s'en ajoute un second, l'affect. Nous sommes toujours au monde selon une certaine tonalité affective. Il en va sans doute de même pour tous les animaux. Nous avons peur, froid, nous ressentons du plaisir, de la peine, de la joie. Toutes ses intonations affectives, sont le lieu originel que nous entretenons avec les choses. C'est touours telle ou telle chose, qui fait peur, qui proccure de la joie ou de la peine. Nous sommes au monde selon une certaine tonalité affective. Celle-ci est la manière dont nous nous ouvrons au monde pour en user : Le serpent et le soleil, la gazelle et le lion...
Maintenant parmis toutes ces intonnations, il en est une qui est fondamentale, c'est l'angoisse. Dans l'angoisse qui ne s'angoisse devant rien, c'est le rien pur et simple qui nous angoisse. Dans l'angoisse, tout file au néant. Sur l'angoisse, se distinguent hommes et animaux, sur la possibilité du néant qui peu aussi devenir conscience de la mort, conscience d'être pour la mort. A partir delà se met en place l'ontologie fondamentale, dans Etre et temps, où l'homme pose l'être dans sa différence avec l'étant.
Maintenant je reprends ce que tu dis :
je veux bien te suivre sur cette voie, mais quelque chose me turlupine.
Déjà, ton rien ce n'était rien signifie juste que je ne veux pas en parler, ou que je ne l'ai pas saisi lorsqu'il s'est momentanément dévoilé. LE RIEN NE SE DEVOILE PAS PUISQU'IL N'EST PAS; C'EST L'ETANT QUI DISPARAIT DANS SON ENTIER POUR LAISSER PLACE A L' ETRE.
Ensuite, dire que la mort n'est pas, c'est très spécial. Parce que ton "je pense donc je suis" est aussi "je ne pense pas donc je ne suis pas". NON PUISQUE MEME LORSQUE TU DIS CA, NECESSAIREMENT TU PENSES; Qu'est-ce qui te fait croire que tu penses , Jean ? Il me semble parfois saisir l'artifice de ce que l'on appelle pensée. Lorsque je sors de moi. (?)
Enfin, avoir conscience, c'est aussi ressentir. L'animal ressens plus radicalement sa fin, comme le chat de Deleuze (CE SONT DES REVERIES DELEUZIENNES). C'est pour cela que j'en parlais, mais je n'ai pas été très explicite je l'avoue ... (VOIR LE DERNIER COMMENTAIRE)
Le rien ne se dévoile pas puisqu'il n'est pas ? Le rien n'étant qu'un concept, il prendra la forme que je voudrai lui donner. Pour moi, l'angoisse ressemble plus à un mur à l'épaisseur infinie qu'à un vide sans fond. Les mots font les idées font les concepts.
La vérité d'aujourd'hui n'est-elle pas le mensonge d'hier ? La pensée ressemble parfois à une bonne digestion de données, d'expérience.
Pensée, évoquée.
Sortir de soi, tu sais bien ce que ça signifie. Comme une espèce de lucidité fulgurante où les expériences accumulées disparaissent momentanément. Certains appellent ça l'épuisement, la perte de conscience.
L'histoire du chat, tu es sur que c'est une rêverie deleuzienne ? Je n'ai pas ce souvenir, mais je veux bien te croire. En parle-t-il dans l'abécédaire, ou l'ai-je pioché ailleurs ?
Enfin, contre l'angoisse, il y a la sérénité, comme une acceptation de ce fameux vide dont tu parles. Mais je ne l'appellerai pas vide, plutôt absence, ça me semble plus juste. Personnellement.
Le rien n'est pas un concept ou un objet de pensé, mais une expérience sensible ou plutôt affective une manière un style d'être au monde, et qui distingue l'homme de l'animal. Il n'est pas non plus l'absence de quelque chose, puisque s'il y a absence c'est que j'en éprouve la présence sous la forme du manque dans la mémoire ou l'imagination. C'est assez compliqué à saisir en réalité. Je ferais un billet sur le néant, dans la déclinaison de toutes ses formes.
Par ailleurs, l'angoisse peut aussi s'éprouver comme sérénité. Ce n'est pas le sentiment qui compte mais la situation qu'il provoque dans le rapport au monde. L'angoisse est l'intonnation fondamentale "d'être et temps", mais dans "les problèmes fondamentaux de la phénoménologie", Heidegger parle de l'ennui profond, dont on trouve par ailleurs des racines chez Pascal.
Enfin ce n'est pas parcque Deleuze a pu un jour demander "qu'est-ce qu'on mange ce soir ?" que la question est entrée dans le champ du questionnement philosophique. D'autre part, ça n'entre pas en ligne de compte du propos heideggérien. Une des ambitions de fond de la pensée de Deleuze étant de faire l'économie de néant. Il y a donc une différence fondamentale entre Deleuze (c'est à dire Spinoza et Nietzsche) et Heidegger. Mais aussi des rapports intéressant dont l'approche éthologique et l'idée de monde à travers une cartographie des affects.
"D'autre part, ça n'entre pas en ligne de compte du propos heideggérien".
Ha, bon, d'accord. En même temps, tu sais, le propos heideggerien, ça n'est pas mon truc. Mon langage et ma façon de penser font peut-être un peu tache d'huile, parfois, néanmoins je me régale de lire puis de participer donc je continue. Je fais avec mon univers, mes références, j'essaie de trouver des concordances ou discordances pour prolonger le débat.
Bien sur, mais c'est aussi à moi de distinguer les choses afin de ne pas les mélanger. ceci dit je ne vois plus trés bien ce qui n'entre pas dans le propos de Heidegger. Le sentiment ou l'affect de la perte, qui ne touche pas à l'être pour la mort chez les animaux.
Oui, probablement il est donc
Merci de nous faire partager ce post, bonne reflexion
-------- indiana jeux --------
"Il y a donc une différence fondamentale entre Deleuze (c'est à dire Spinoza et Nietzsche) et Heidegger."
Et oui, bien vu l'aveugle... plus qu'un petit pas à franchir pour s'appercevoir de l'inutilité d'Heidegger, courage.