Qu’est ce qu’un individu ? Ce qui est indivisible, indivis, c’est à dire qui résiste à toute division ; ou bien encore qui disparait dans sa division. A ce titre, pas plus qu’un tas de sable, je ne suis un être individuel.
Jusqu’où va le tas de sable demande le paradoxe sorrite ? Si j’enlève un grain du tas, il reste n-1 grains de sable, et j’ai encore un tas. Mais à partir de combien de grains retirés je ne suis plus en face d’un tas de sable ? Lorsque je parle de "ce tas de sable que voici" je le ramène à son individualité. Pourtant celle-ci demeure, nous le voyons, problématique. De même "moi", par quoi je m’individualise c’est à dire m’indivise ?
Par le corps dirions-nous. Or même emputé je n’en demeure pas moins moi-même "celui que je suis". Par l’âme, peut-être, si ce n’est par le corps. Mais de même, emputé de quelques fonctions ou attributs, je n’en demeure pas moins "moi-même". A quoi donc peut bien être ramenée cette identité personnelle par la quelle je m’individualise, si ce n’est ni à l’âme (pensée ou esprit) ni au corps ? Qu’on se rappelle ce texte des pensées de Pascal, qu’aime-t-on chez l’autre si ce n’est des qualités empruntés et dans lequelle il n’apparaît jamais, n’est jamais ? Aime-t-on la personne quand on l’aime pour sa beauté ? Nous ne l’aimerons plus lorsque celle-ci ne sera plus. Pourtant la personne demeure sous ce qui n’est plus. Mais qu’est ce donc qui demeure quand tout a disparu ? Une unité fictionnelle
Car le "je" résiste bien à la division et à la dépouille des attributs, mais l’unité est fictionnelle. J’existe moi-même en tant que fiction tissée au fil du désir, à la fois la soie, le tisserand et le métier.

Remarque : A ce problème Jean-Luc Marion apporte une autre réponse issue du concept phénoménologique de la "chair" croisée à la notion "d’appel".