Le syntagme, "visible et invisible" fait référence au dernier livre de Merleau-Ponty ou de manière moins explicite mais plus profonde à L’oeil et l’esprit où Merleau-Ponty reprend cette sitation du sculpteur Rodin : "C’est la photo qui ment et la sculpture qui a raison." Rodin est sculpteur, il est légitime pour lui de restreindre la vérité de la représentation ou la représentation vraie à la seule sculpture. Mais tout l’art, dont le principe consiste à re-présenter, peut en réalité y prétendre. Prétendre à quoi disions-nous ? A la vérité. Si la photo en tant que mensonge est production du faux, la sculpture ou l’art pictural s’opposant à la photo est production du vrai. C’est l’art qui est vrai, qui présente la vérité rendue sensible.
Au tant que cela puisse nous interpeller, il est certain qu’une telle affirmation aurait fait dans sa sagesse, sourcier Platon. Car l’art est en effet pour Platon puissance du faux, simulacre ou illusion qui satisfait le regard en saturant le visible. L’image de l’art ne renvoyant qu’à elle-même bloque sur elle tout mystère. Elle est dénuée de toute signification puisqu’elle ne fait signe vers rien. Et lorsque Pascal dénoncera "la vanité de la peinture", il ne fera que conforter Platon dans son rejet de l’art. L’art doit être rejeté des cités, qui bloque l’accès à la vérité, en bloquant sur lui le regard. "Quelle vanité que la peinture, nous dit en effet Pascal, qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire point les originaux."
La peinture est sophisme, illusion du vrai, qui bloque l’accès à la référence. Eïdolon ou idôle, l’image de l’art se substitue à ce qu’elle entend présenter, barrant ainsil’accès à toute intelligibilité. Image sans ressemblance ou qui n’entretient qu’un rapport extérieur de ressemblance, ressemblance sensible qui a perdu la ressemblance intellectuelle de signification.
L’image de l’art a mis la ressembance à l’extérieur et vit la différence, illusion sans principe, phantasme sans fondement, affranchie de toute référence intelligible. Comment alors prétendre que l’image de l’art puisse être production du vrai ?
Au-delà de la traditionnelle disjonction apparence/essence, par laquelle par ailleurs s’institue la métaphysique comme science du fondement des apparences, Platon institue une première distinction entre le modèle (ou l’idée) et la copie (ou chose créée). Or la copie n’est nullement une simple apparence puisqu’elle présente avec l’idée ou original eidétique comme modèle un rapport intérieur, spirituel, noologique et ontologique, rappelle Deleuze dans Différence et répétition. La seconde distinction rigoureuse est celle de la copie elle-même conforme à l’original et du phantasme ou simulacre qui ne supporte ni l’épreuve de la copie ni l’exigence du modèle. Il s’agirt donc pour Platon de distinguer les splendides apparences apolinniennes bien fondées, des apparences pures, malignes et maléfiques qui ne respectent ni le fondement ni le fondé.
Afin de comprendre de quoi il en retourne à travers cette double distinction, prenons l’exemple que nous donne Platon au livre VII de la République. Cett double distinction Platon l’illustre à travers de l’exemple du lit. L’idée du lit, l’être même du lit qui n’est pas quelque chose de sensible mais d’intelligible, le lit qui n’est que lit, le pur du lit, ce à quoi doit servir le lit, soit donc l’original à partir du quel est produite la copie conforme à l’idée, le lit du charpentier utile au sommeil, en vue du sommeil. Et le lit en peinture qui bien que resemblant trait pour trait au plus excellent des lits, n’est rien d’un lit puisque qu’en aucune manière le lit en peinture ne pourra servir au sommeil.
Ce en quoi l’art est simulacre, c’est qu’il n’est ouvert à aucun usage, c’est qu’il ne sert à rien.
9 commentaires
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re-présenter ? Putain, je ne comprendrai jamais ce pédantisme à mettre des tirets à l'intérieur des mots ... En quoi la photographie serait-elle un mensonge ?
Tiens, c'est marrant, tu as écrit fantasme à l'américaine (phantasme). Aurais-tu des fantasmes à l'américaine ?
je dirai que le lit en peinture sert au sommeil en peinture ...
ça s'écrit des deux façons phantasme et fantasme. pourquoi la photo ment, je le dirai plus tard. et il ne s'agit pas de pédantisme, mettre un tiret dans un mot, permet de mettre en lumière, sa sturcture. c'est comme dans la voix mettre des accents sur les mots, ou des virgules dans les phrases.
Ouais, et pharamineux aussi ...
Je suis pas convaincu par les tirets, mec.
C'est pourtant bien dommage que tu ne crois pas en les tirets Cyrille; "re-présenter" met non seulement la structure en relief, mais aussi le sens premier du mot, qui a depuis évolué : représenter c'est étymologiquement "rendre à nouveau présent", donc pour souligner cette distinction de sens (ce qui en philo est très important cocotte), on appuie par le tiret.
Fallait suivre un peu plus en cours avant de chercher des noises...
Jean, bravo pour ce que tu fais; ça m'a pas mal aidé pour comprendre mon sujet de colle (prépa littéraire, ça vous tue un homme...) =)
Voilà, bonne continuation donc ^^
Ah ah, merci, désolé Cyrille, le pédantisme est partagé.
Bon courage et bonne chance,
A bientôt
Si c'est si im-portant cocotte, je ne pense pas pouvoir sur-vivre. Je m'en vais donc nourrir les vers de l'igno-rance.
Que mon travail ai pu aider un élève de prépa, j'en suis encore étonné.
C'est que tu décortiques et que tu éclaires. Ne sois pas étonné, prends-le comme un compliment.
"au-dela de l'image -comme au-dela du visible- rien n'est visible" -> j'ai du maal à comprendre ...