Le bonheur c’est ce que tout le monde veut. Tout le monde veut être heureux. C’est donc un Bien -en tant qu’on veut le possèder- qui sera dit universel.
De plus il est une fin en soi. Tout n’est que moyen du bonheur, seul le bonheur n’est le moyen d’aucune autre fin. Il est donc un Bien absolu -absout de toute relation, irrelatif. Les caractères d’universalité et d’absoluité font du bonheur un bien suprême. Telle était la définition qu’en donnait Aristote, le bien suprême qu’est le bonheur.
Or le paradoxe c’est que le bonheur est un Bien que nous ne possédons jamais. Ce n’est qu’au passé que nous disons avoir été heureux, sans jamais l’avoir affirmé au présent. Et ce n’est qu’en tant que promesse future que le bonheur s’annonce sans jamais se réaliser en fait au présent. Le bonheur n’a pas de signes perspectibles à partir desquels il serait permis de dire qu’il est en notre possession. C’est que le bonheur n’est peut-être qu’un simple objet d’imagination ou de raison qui ne se possède jamais en fait ni en droit. Inaccessible bonheur, bonheur tragique donc ; idéal en droit jamais réalisable en fait.
Le bonheur n’est-il jamais qu’un Bien que seul les dieux possèdent dans l’éclat de leur beauté, la majesté de leur repos et l’éternelle suffisance ? Ce n’est pas ici dans notre condition mortelle que nous devons rechercher le bonheur mais dans l’autre vie, la vie éternelle, donc dans la mort, dont la philosophie n’est pour le Platon du Ménon rien d’autre que la mimésis. La philososohpie étant présentée comme une manière de se détourner des biens éphémères vers le vrai Bien. Un bien dont l’âme a eu connaissance avant son incarnation. Un bien que l’âme peut retrouver par le soucis de soi. Se soucier de soi c’est pour Platon se soucier de son âme au détriment de son corps, se détourner des biens éphémères pour se tourner vers le vrai bien, source de tout bonheur, c’est donc aussi mimer la mort de son vivant dans la mesure où la mort n’est autre que cette séparation qu’opère la philosophie entre l’âme et le corps.
Cette fin ultime que vise toute vie , n’est qu’elle que la mise au jour de la dimension tragique de l’existence selon laquelle il n’y aurait de bonheur que dans la mort ?
La nature humaine est-elle ainsi faite qu’elle doive nous détourner impérativement du bonheur malgrés tout effort pour y parvenir ? Telle semblerait être la position de Pascal qui détermine le fond de l’existence humaine comme ennui. C’est l’ennui qui selon Pascal fait le malheur continu de l’homme. Cet ennui n’est pas de l’ordre du tracas de la vie quotidienne, ennui définissable donc. Bien au contraire, il est un ennui sans cause ni raison, fond(s) de l’existence humaine, "l’homme est si malheure, nous dit Pascal dans ses Pensées, qu’il s’ennuierait même sans aucune cause d’ennui". Et pour échapper à cet ennui existentiel les hommes s’en remettent au divertissement : "La plongée dans le tourbillon des affaires en vue de l’affairement même". Ils fuient l’ennui dans les préoccupations quotidiennes, il s’occupent d’occupation inessentielles qui leur permettent à coup sûr d’échapper à leur condition humaine insoutenable parce qu’ennuieuse sans aucune cause d’ennui.
Mais ce que nous fuyons dans le divertissement, ce n’est pas l’ennui seul. C’est nous même que nous fuyons. La fuite dans le divertissement et la préoccupation quotidienne est une fuite en avant de soi. Je me fuis moi-même sans cesse dans le monde par le diversitessement et la préoccupation. Et cette fuite en avant de soi est la cause selon laquelle le bonheur nous fuit sans cesse en retour. Si dans le monde de la préoccupation je ne suis jamais auprés de moi-même, toujours en avant de soi ou toujours en retard de soi, c’est à dire toujours trop occupé d’autre chose, alors je n’ai pas de présent, je ne suis jamais présent à moi-même. C’est donc bien un souci de soi qui est la condition du bonheur. Mais ce souci de soi doit être interprété comme un "se rendre présent" à soi-même dans le monde. Tel est par ailleurs le moment heidegérien de la résolution devançante.

Est ce qu’on continue ou est-ce qu’on s’arrète là ? Je sais pas. On verra plus tard. A suivre donc... peut-être.