Etre et connaissance :
Dans Le visible et l’invisible, Merleau-Ponty analyse entre autre, le pouvoir de la pensée philosophique quant à sa possibilité d’appréhender l’être, à travers la question du langage et celle de notre attitude face au monde. Il distingue ainsi deux modes d’appréhension du réel, la pensée scientifique objectivante et la pensée philosophique qu’il défend et explicite. La première correspond à la connaissance, qui est aussi pensée de survol, comme le dit Merleau-Ponty dans L’œil et l’esprit. C’est à dire une pensée qui se tient à distance de ce qu’elle pense, qui ne s’y maintient pas, qui récuse par conséquent les données du corps. Qui pose son objet en pensée, mais ne le vit pas et qui demeure dans la simple et incommensurable alternative de l’être et du néant, de l’activité et de la passivité, de l’intériorité et de l’extériorité. Il s’agit aussi de la pensée réflexive qui reconstruit sur le monde perçu un monde selon une objectité fondée sur le pole égoïque. Tel que chez Kant, l’expérience possible fonde en droit l’expérience réelle par les catégories de l’entendement, et c’est bien ici parce que la connaissance vient toujours de moi, que la chose ne va pas de soi. La pensée de science consiste donc à démontrer, c’est à dire à fonder l’apparence pour la connaître certainement, la reconduire au fondement pour la conduire à la certitude.
Mais ce qu’elle laisse être, cette pensée de science, ce qu’elle ne parvient pas à atteindre, c’est ce que Merleau-Ponty nomme l’être brut ou sauvage, qui est, sur le mode du toujours déjà, avant toute connaissance, et qui excède par essence toute connaissance qui tenterait de le fixer dans des déterminations objectives. Il est brut parce qu’il n’est pas encore soumis aux lois de notre connaissance, pur événement, parce qu’il n’est pas réduit à notre syntaxe logique, il se tient dans le silence de son expressivité en deçà de ce dont il est principe actif. C’est cet être brut qui est au fondement de la pensée philosophique, lui qu’elle cherche à atteindre, c’est lui qui est objet de la philosophie et meme temps que d’être principe du monde. Dès lors c’est lui qui impose la méthode et la rigueur philosophique. Il repose à la jointure de la passivité et de l’activité, il n’est pas le pur corrélat de la pensée réflexive, mais il ne se donne pas non plus dans l’évidence de la pure perception. Il nous renvoie au sujet pensant et aux possibilités qu’il a de l’appréhender. En d’autres termes, il s’agit de mettre au jour la méthode proprement philosophique, qui repose en dernière instance, sur les possibilités de la donation et de l’expression de l’être brut ou de l’événement.
Aussi, Merleau-Ponty renverse l’ordre de la connaissance, elle ne se fonde plus sur les capacités du sujet, mais sur son ouverture au monde, sur ce qui en lui n’est pas lui. Puisque tout acte de parole n’est au fond qu’une visée sur le monde, qui se meut à la lisière du su et du non su, de l’être et du non être. La rigueur du discours n’est pas fondée comme chez Descartes sur l’ordre analytique, ni sur les jugements synthétiques a priori comme chez Kant, mais sur la juste interrogation, sur l’attitude juste de l’esprit face au monde. Telle est aussi l’attitude platonicienne qu’interprète Heidegger de la visée des essences.
Il y a en définitive comme une espèce de réversibilité de l’être chez Merleau-Ponty, qui s’exprime dans le fait que le monde visible est doublé de son étoffe invisible, le visible n’est que la syntaxe de son fonds invisible, le visible est pour nous une traduction de son invisibilité foncière, sous être sous soi, son être en dedans de soi. Mais la pensée de Merleau-Ponty se distingue aussi, du moins ici, de celle de Husserl, puisque l’invisible n’est pas le noème d’une subjectivité, ce n’est donc pas une prise de conscience, mais il est la profondeur meme du visible. Ainsi la réversibilité de l’être n’est pensable que parce qu’il y a réversibilité du sujet. Le sujet est en effet, unité d’incompossibles ou incompossibilité de l’identité et de la différence de soi à soi.
La positivité ontologique du négatif ? Non mais tu te moques du monde ? Ton truc du Ponty-là, c'est de la défense de paroisse. Et puis les données du corps, qu'est-ce que ça veut dire ? Et puis "la simple et incommensurable alternative de l'être et du néant, de l'activité et de la passivité, de l'intériorité et de l'extériorité", c'est simple ou impossible à mesurer ? Alors l'idée de ton Ponty, cet être brut ou sauvage, sans Homme donc, est sympatôche. Néanmoins, dès lors qu'il se penche dessus, elle prend la crasse humaine. Elle peut bien chercher ça la pensée philosophique, mais qu'elle s'y essaie. Un doigt sur la chose et la chose est foutue. La chose devrait être le départ, le point d'appui de toute réflexion philosophique ? Je n'ai pas dû tout saisir. Mais je fais des efforts. Et ta dernière phrase, elle me fait mal à la tête. C'est mon esprit scientifique qui me parasite ...
Ok, ok. Je vais finir et je vais expliquer.
bonsoire.
Je suis étudiant en licence arts appliqués et le sujet que vous presentez sur Merleau ponty semble aller dans le sens de mon sujet de memoire. J'en suis au tout début et je n'est pas encor défini exactement sur quel angle je vais le traiter. J'ai dû choisir un théme, et j'ai décidé de travailler sur les notions du "montré-caché", et c'est pourquoi je suis tombé sur votre blog en tapant visible-invisible.
J'aimerais avoire des conseils sur la façon de traiter ce sujet. Il m'es demander de "produire" sous forme "d'objet", de retranscrire une "réflexion" dans le monde réel. Pour moi "l'objet" dans sa conception a tendance à limiter notre perception du réel et a le rendre illusoire.
J'aimerais dans la pratique, concevoire "l'objet" ou "l'image" comme un élément visible de l'invisible ou quelque chose comme ça. Il es vraie que l'on pourez avoire une vison négative du monde de l'objet, mais je pense qu'il peut contribuer au développement sensible de l'individu en transcandant l'invisible dans le visible...Enfin bref. Ce que j'aimerais c'est un échange me permettant d'éclaircir un peu tout ça. J'arréterais là pour le moment sur les prise de chou philosophico philosophique car je m'y connais pas trop même si ça me plai.
Je vous remercie en l'attente d'une réponse. Je vous laisse mon email:
Ok c'est bien, c'est intéressant
Je vire ton email du commentaire afin que tu ne sois pas envahi de méchants messages.
Est-ce que le "montré-caché" a avoir avec le visible et l'invisible ? Pas si sûr. Montrer et cacher relève de l'artifice, de la cinématographie, des effets spéciaux. Le visible et l'invisible jouent sur un autre plan, il s'agirait de voir lequel.
Que l'objet soit dans sa conception une tendance à limiter notre perception du réel et à le rendre illusoire, c'est une idée intéressante. Mais tu fais entrer les notions de réel et d'irréel (ou de virtuel, y a ici un article sur le virtuel que j'aime bien) qu'il faut bien distinguer des notions de visible-invisible et de montré-caché. De plus sur la notion d'objet, il y a beaucoup de choses trés intéressantes à dire, notamment quant à son artificialité. Qu'est ce qu'un objet ? Etc... Il est un peut trop tard ce vendredi soir pour moi.
A bientôt
Merci d'avoire pris la peine de me répondre, ce mémoire est trés important pour moi et est censsé définire les pistes de ma pratique personnel. C'est pourquoi j'ai décidé de me lancer dans un théme qui me touche profondément.
J'ai commencé à suivre vos conseils et survollé rapidement les notions de réelle et de virtuelle, et voici une citation quelle que peu futuriste je l'admet, mais qui retient mon attention dans le sens ou elle met l'accent sur ce vers quoi la création d'artifice pourait mener. Il ne s'agit pas pour l'instant de prendre ou ne pas prendre partie, mais de constituer une mise à plat des termes à utiliser, afin de me premêtre de rebondire par la suite vers une analyse critque sous forme d'écrit et de projet réalisé.
"Rien n’interdit de penser que la maison du futur éliminera tout artifice décoratif matérialisé - tapis, rideaux, papiers peints, bibelots - pour leur substituer d’autres artifices programmables, éventuellement créés par des artistes. Dans cette perspective, la maison se réduirait à un cadre neutre, brut, dans lequel, par simulations virtuelles, l’habitant pourrait appeler ou inventer son cadre de vie : univers de synthèse mêlant à volonté images réelles et images virtuelles."
Odile Fillon
Notre mutation à venir est programmée, et la dépendance à l'artifice est de plus en plus présente en étant pardoxalement de plus en plus invisible..La dématérialisation de l'objet in progress..
Voilà ou j'en suis pour le moment.
Cordiallement, Jérémy.
Plus de précision
Ma petite citation m'a mené à parler de dématérialisation or le montrer-caché est de l'ordre du matériel. Je recentre donc ma recherche.
Mon but serais de concevoire "l'objet" dans la plus grande réalité, montrer plutot que cacher la réalité bordélique de notre monde.
Nos infrastructures tombent en panne, se cassent, se volent, se dégradent, s’usent, et on besoin d’être remplacées, réglées et entretenues, nous somme dans l' hétérogènes...
Du côté de l'individu nous sommes imprévisibles, ou en tout cas, la masse des individus produira toujours des situations imprévisibles.
Je pense qu'il faudrait non plus cacher , mais au contraire, rendre les limites, les frontières, et les incertitudes visibles,
et manifester ce que l’on croyait pouvoir rendre invisible.
Montrer plutôt que cacher.
Si vous avez des réactions par rapport à cela je suis toujours preneur.
Sur les notions de caché-montré on peut aussi penser à Husserl et à son analyse du cube dans les Méditations cartésiennes et ailleurs dans d'autres textes comme les Ideen II, Recherches phénoménologiques pour la constitution, qui retrouvent les intérogations de Husserl sur la constitution du temps. Bref, quand on regarde un cube, nous ne voyons jamais que trois de ses six faces. Jamais le cube ne nous apparait pleinement déployé sous le yeux. Pourtant nous savons que nous avons un cube sous les yeux, parce que ce qui est montré l'est en même temps que ce qui ne l'est pas. Et c'est l'esprit qui fait la synthèse des instants perçus dans le temps présent avec ceux qui ne le sont plus et ceux qui ne le sont pas encore, pour donner la forme concrète du cube, qui n'est à la perception qu'une abstraction de moments.
Maintenant si tu mets l'accent sur les notions de réalité et de virtualité, ce qui me semble plus intéressant dans le cadre plus général du visible et de l'invisible, il faut savoir que, contre la sitation que tu me donnes, "le virtuel ne s'oppose pas à réel mais à actuel" (c'est une formulation de Deleuze que l'on trouve souvent chez lui comme d'autres "ritournelles"). Le virtuel n'est pas un autre réel, une surréalité irréelle, idéale ou idéelle. Il est une partie réelle du réel, mais en tant seulement qu'elle est non actuelle c'est à dire en puissance. Le virtuel est donc une le dynamisme du réel par lequel celui-ci devient toujours autre que ce qu'il est actuellement. A ce titre l'éthymologie du mot est éclairante, virtuel vient du latin virtualis qui signifie force. Par sa charge de virtualité, potentialité ou encore puissance, le réel trouve en lui-même la dynamique de sa propre transformation.
La notion de virtuel n'est de prime abord et le plus souvent pas comprise. On a tord d'opposer comme deux mondes distincts le virtuel ou réel.
Dans le domaine de la création d'artéfact, la notion de virtualité peut s'avérer trés porteuse. D'une part elle remet en cause la distinction de l'intention de l'artiste et de la réalisation de l'oeuvre. Il y a à ce sujet un texte de Duchamp, "Le processus créatif", trés intéressant.
D'autre part elle interroge de façon originale, le rapport de l'objet à sa fonction. Par sacharge de virtualité l'objet actuel peut devenir polymorphe. Voilà pour l'instant.
J'avais pas vu ton dernier commentaire. Pourquoi faudrait-il tout montrer plutôt que cacher certains aspects de la réalité ? Le "il faut" que tu utilises est un impératif qui relève de la morale et de l'idéologie et il faut le justifier.
Je vais essayer à l'avenir de ne plus employer d'impératif.
Ce repositionnement pourrait peut-être me mener à la question générale de mon mémoire, alors je tenterais en disant ceci: Qu'est-ce que concevoire l'objet de design en tend qu'élément réfléxif d'un envers?
Pour ce qui est d'hursel et de Duchamp j'irais me documenter.
Cordiallement.
ps: intéréssant en effet le billet sur le virtuel, j'ai moi même un cour sur l'histoire du virtuel, l'article pourra maider.
je dirais plutôt "...de l'enver".
C'est grave paradoxale mais bon.
Ouais. Reste à définir cet envers et la nature de la réflexion entre celui-ci (invisible de fait) et la visibilité de l'objet.
voici deux lien qui retiennent mon attention sur le visible-invisible dans le design d'aujourd'hui:
translate.google.com/tran...
translate.google.com/tran...
C'est intéressant, mais je reste un peu perplexe sur ces objets là. Fais signe quand ton travail aura avancé. Il serait aussi intéressant de jouer sur la polarité utilité-inutilité.
deux notions totalement subjectives.
Subjectif ? Soit l'objet est fermé sur un usage, il n'est qu'en vue d'une fin utilitariste, et n'est vu qu'à travers son utilité dans laquelle il disparaît. Soit la visibilité de l'objet excède l'utilité. Toutefois un objet qui n'a d'utilité peut en trouver une de façon médiate, c'est peut être là que se joue la subjectivité dont tu parles : Un briquet qui sert de décapsuleur, ou une pierre qui martelle. Mais dans ces cas l'utilité se ratache de façon extérieure et médiate à l'objet.
Le propre de l'ustensile c'est de disparaitre dans son usage.
Merci pour votre participation, cela me permet d'avancer un peu plus dans mes recherches.(et de travailler un peu mon orthographe :-) parce que c'est pas fameux)
Pensez vous que c'est un sujet intéressant sur le questionnement de ce qu'est le design d'aujourd'hui ? J'ai deux petites idées de réalisation en tête, mais je manque encore de quelques éléments. Déjà j'ai un projet qui pourrait déboucher sur la lumière et la photo-sensibilité du matériau. Connaissais vous des matériaux autre que le papier photo qui réagiraient à la lumière ou quelque chose du genre ?
Un autre axe m'emmène sur la forme de l'objet.
J'ai constaté que nous sommes souvent envahis par le câble électrique et cela crée souvent un sacré désordre, le but serait de trouver une forme "pixélisante", permettant de rendre illisible le désordre, une pixelisation de la forme et plus exactement du désordre.(comme les images pixélisées qui perdent toute visibilité). Quand pensez vous ?
Oui bien sûr il y a des choses qui semblent intéressantes, même si elles restent peut-être encore un peu vagues.
Sur la transformation de l'objet par rapport aux modifications de son milieu -ça aussi c'est intéressant- il y a le chlorure d'argent (liquide) que l'on peut appliquer sur tout support afin de le rendre photo-sensible. Mais c'est cher et instable. Sinon il existe des matières qui réagissent à la chaleur. A la fin des années 90, il était sorti un coffret de Massive Attack fait de cette matière.
Par contre je n'entends pas du tout ce que tu veux dire par "forme pixélisante." Bien que l'idée d'un désordre ordonné par le désordre est plutôt intéressante.