Dans La chambre claire, la photographie est définie comme une technique d’enregistrement analogique, effet de réel dont Barthe rend compte en montrant que le noème de la photo -l’objet intentionnel, l’irréalité ou sens du réel- est le "ça a été".
Phénoménologiquement comme pour les stoïciens, le sens n’est pas inscrit au coeur des choses, il est un effet de surface. Irréel, il est un incorporel. Il faut lire à ce sujet les séries consacrées au temps et au sens chez les stoïciens, et leur parenté avec la phénoménologie husserlienne, dans Logique du sens de Deleuze. En tant qu’irréel et incorporel, il est faux de dire que le sens noématique de la photo est le "ça a été". Car même si l’instant qui n’est plus, enregistré par la photographie, a été, en aucun cas celui-ci ne peut coïncider avec le noème. Dans la mesure où le noème lui-même n’a jamais été un instant réel, il demeure de part en part irréel, effet de sens, effet de surface. La différence entre l’instant et le noème est de nature.
La pause cadrée par la photographie, n’est pas une qualité de chose attribuable au moyen de la copule être : "l’arbre est vert" mais un événement qui se dit "l’ardre verdoie" et n’a aucune espèce d’instance présente. Le temps de l’événement est l’aïon et non le chronos. L’événement ne va pas d’instant en instant, de présent en présent dans la présence de son paraître comme répétition du même. L’événement est toujours pris entre un "qu’est ce qui va se passer ?" et un "qu’est-ce qui c’est passé ?", esquivant sans cesse le présent. Esquivant le présent, il esquive toute forme et ouvre à une herméneutique sans fin, qu’aucun cadre ne saurait résumer. C’est pourquoi l’instant n’a pas de consistance réelle, et qu’en tant qu’événement il peut être élevé au niveau de l’irréalité noématique comme noyau de sens.