Je ne connaissais aucun texte d’Hervé Guibert. Je savais seulement et bêtement -au sens fort- qu’il était homosexuel, atteint du sida et suicidé. Je savais aussi par ouïe-dire qu’il fut l’ami de Chéreau.
La lecture se déroule sur six textes : A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, Cytomigalovirus, Mon valet et moi, Un scénariste amoureux, Mausolée des amants, d’où le titre de la pièce est issu, et Les secrets.
Le texte a été joué pour la dernière fois au T.N.T -Toulouse- dans le cadre du Marathon des mots, mais tournait déjà depuis quelques temps.

D’abord les mots qui, par une étrange ironie accompagnent le détachement des lambeaux de chair irrémédiablement perdus. Les mots qui, dans une espèce de banalité du quotidien littéralement a-morale c’est à dire sans égard ni pour le bien ni pour le mal, d’une tonalité affective réduite à sa plus troublante neutralité, pèsent par la vacuité du style, par une étrange contre attraction du vide.
Ce style classique, attendu et systématique ennui, énerve même parfois. Pourtant s’il est remis dans son contexte, il a le mérite d’échapper, et nous avec, à tout affectivité pathologique. On peut regretter cependnat que le point des mots ne provienne que de l’attraction du contexte hors duquel nous sommes frappé par la vacuité du sens dans un style terne, sans force, sans profondeur et souvent prétentieux.

Pourtant malgré lui, le texte donne à penser. Et ce qu’il donne à penser c’est la situation de l’individu dans l’événement de la maladie. Au fond, se dit-on, il n’ya pas de maladie ou bien nous sommes tous déjà malades. D’abord parce que nous sommes tous en instance de mort, et qu’en suite, le détachement par rapport à la maladie par et dans la factualité de son contexte clinique, opère une distantiation entre soi et l’image de soi, entre le malade et celui qui est malade. De l’écriture surgit l’anonyme qui. L’écriture joue son rôle, celui de la différence. Ecrire la maladie c’est déjà la désincarner, c’est se déterritorialiser dans la santé, lorsque l’écriture ritournelle territorialise la santé.

Voilà où j’en étais avant que par le truchement de la "mise en mot" quelque chose de beau vienne à la fin avec la confusion de l’amant et de l’aimé au sens de l’Eros platonicien. L’ami qui joue comme ce passeur vers l’écriture, qui n’est au fond -même triste et creuse dans l’exemple qu’elle se donne ici- écriture de soi, c’est à dire réalisation de soi. Et comme Alcibiade se découvrant par une étrange confusion du mien et du tien, dans la distance qui le sépare de lui-même dans l’oeil de l’aimé, résonne ici, à la fin seulement, la confusion de l’écriture et de la parole, de l’acteur et de l’auteur. De la dispartion de cet ami T. avec qui disparaît aussi l’écriture, reste le clair de la parole, on ne sait plus qui dit quoi, on ne sait plus qui est qui.

Viennent alors comme une autre ritournelle les mots de René Char : "Notre héritage n’est précédé d’aucun testament". Car alors vient l’évidence que ce qui est donné, l’est pour toujours. Et dans le don s’éclaire au seuil de la parole la vivifiance du donateur qui n’est plus, se nomme cet anonyme qui que l’écriture dessinait.