Il arrive souvent que l’on sorte de chez le coiffeur très désappointé. Bien sur nous gardons bonne figure lorsque celui-ci fait tournoyer, trop rapidement pour en juger correctement, son miroir portatif autour de notre nouvel ornement capillaire. Et pourtant malgré notre bonne figure, nous sentons que quelque chose ne va pas, sans que l’on sache vraiment trop quoi. On s’empresse de vite rentrer chez soi, en glissant quelque coup d’oeil furtif aux vitrines qui nous reflètent, pour porter calmement plus ample attention à cette nouvelle disposition. Et le constat est le même, "Ca ne va pas". On tente bien de porter deux trois coups de ciseaux maladroits et craintifs. Trop craintif sans doute pour risquer d’être maladroit, on s’en remet au destin, à ce Deus ex machina de la forme capillaire qui nous a si admirablement loupé. On se dit pourtant que ce n’est pas si compliqué. Et que lorsque nous étions jeunes et téméraires, et tout comme aujourd’hui sans le sous, nous nous coupions soi-même les cheveux, avec ma fois, quelques grandes satisfactions personnelles quant aux résultats. Mais là franchement c’est pas terrible.
Mais voilà ce qui donne à penser le Génie de la coiffure. On se dit qu’au fond ce n’est pas très grave, qu’on s’en remettra pour peu qu’on veuille bien patienter un peu que ça pousse. Mais malgré notre bonne résolution d’indifférence, l’inquiétude demeure, et l’on ne peu s’empêcher de faire un tour au miroir, mesurer l’ampleur des dégâts. Et au fil des jours, quelque chose d’étrange se produit.
Alors que l’on patientait plus ou moins patiemment que ce désastreux agencement capillaire s’abîme dans l’accroissement de sa matière, afin d’y reconstruire quelque chose de plus valable pour notre image ; contre toutes lois de la physique, les choses semblent maintenant s’arranger d’elles-mêmes, se métamorphosant en forme agréable. Comme si -et nous devons bien prendre mesure de la figure métaphorique de ce comme si, que Kant institue comme forme de la moralité suprasensible incarnée dans le sensible, comme idéalisme hyperphysique de la finalité à l’oeuvre dans la nature- comme si, donc, à l’instar d’un Dieu présumé providence, la main providentielle du coiffeur opérait encore dans la gestation formelle de mes cheveux.
Alors je dois bien admettre qu’il y a du génie chez le coiffeur, qui anime et vivifie dans le temps contre le principe même d’entropie la pauvre matière inerte qui trône, victorieuse de son inerte condition sur le haut de ma tête.
6 commentaires
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Tout le monde n'aura pas eu la même expérience ... Dans mon autisme grandissant, et ma foi de plus en plus inquiétant, j'ai pris la décision d'acheter une tondeuse, et j'en suis satisfait.
J'ai eu la même satisfaction à propos de ma tondeuse, puis même de mon rasoir. Et maintenant mon rasoir à retrouver un usage normal, et ma tondeuse me sert parfois à me raser la barbe.
salut les amis! je voulais juste attirer votre attention sur le fait que le cheveu n'est jamais qu'un poil frimeur et capricieux, dans lequel l'être humain a collé la séduction chez la femme et la puissance virile pour l'homme. Certaines femmes se voilent et on coupait la crinière épaisse de rois francs pour les déposséder de leurs pouvoirs magiques! Que de tintouin pour de misérables poils qui, s'ils se trouvaient sur une autre partie du corps feraient moins les malins! et le coiffeur dans tout ça? il perpétue cette hégémonie du poil de tête, soins, couleurs, bigoudis... c'est ridicule. Je méprise les coiffeurs.
bien vu. mais enfin, tu ne peux te permettre ce mépris pour le coiffeur, que dans la mesure où même négligé, ton cheveu te vas à ravir.
Je me dois d'ajouter que le cheveu a ce truc exceptionnel qu'il pousse encore après la mort. Le corps est sans vie, mais le cheveu oui. Ah ah ! Des remarques ?
Pour ma part pas de remarques. Ce truc là nous emmerdera même aprés la mort. "Tu me survivras" disait la chanson. C'est vraiment néguentropique.