Temps et arraisonnement :

Le projet est ce qui essentialise l’homme dans sa singularité concrète comme individu à partir de l’existence qu’il se choisit. Le processus d’individuation du projet est inséparable d’une conception particulière du temps qui n’est pas le temps universel, le temps objectif par lequel la science arraisonne l’étant hors de son être dans son objectivité, le rendant par là même immédiatement disponible dans la possibilité concrète de l’usage. Et c’est parce qu’’il peut disposer de son temps que l’être individuel concret qu’est le Dasein, c’est à dire l’homme, se ditingue essentiellement des étants intramondains mis à disposition de l’usage.
La dimension temporelle du projet est l’avenir. Et tant que telle, elle arrache le Dasein à la dispersion du possible et le fait exister en mode authentique, dans l’authenticité de son être décidé pour tel ou tel projet. Et comme le projet est ce qui essentialise l’homme dans sa figure individuelle, l’homme est essentiellement avenir, mais avenir comme présent selon des possibilités d’existences passés. L’avenir pour l’être fini qu’est l’homme se phénoménalise comme ce terme indépassable qu’est la mort. En tant qu’être pour la mort, l’avenir se donne comme possibilité de toute impossibilité, possibilité dans laquelle il y va de l’être singulier fini que je suis. C’est en tant qu’être pour la mort fini, c’est à dire en tant qu’être qui n’a pas une possibilité infinie, que je me détermine dans une temporalité orientée vers l’avenir, pour ma propre possibilité d’existence. Possibilité à partir de laquelle j’existe en mode propre et selon laquelle je suis authentiquement moi-même. C’est donc à partir de l’avenir comme possibilité de toute impossibilité pour l’être fini que je suis, que je me décide pour une possibilité d’existence présente à partir des possibilités passés.
La temporalité du projet par laquelle j’existe en mode propre, par laquelle je suis authentiquement moi-même, me différentie radicalement et par nature des étants intramondains. Descartes en déterminant l’être sujet du sujet par la substantialité, comme substance pensante, détermine le sujet lui-même sur le même mode d’être que les étants intramondains : la substantialité, substance pensante et substance étendue. Bien que les substances, soient réellement distinctent puisque conçues par soi, l’une sans l’autre, il détermine l’être, l’être de l’homme aussi bien que l’être des choses sur le mode de la substance. Et ainsi réifie l’être du Dasein, par quoi s’amorcera le plus grand péril. Platon, sans doute pour des raisons liées à l’antique grèce pour qui l’instauration d’un monde commun prime sur toute autre orientation intellectuelle, voit la nécessité de distinguer l’être de l’homme de celle des choses. Mais cette distinction n’est pas penser jusqu’au bout. Puisque la détermination formelle de l’individu précède à titre de possibilité indépassable tout processus d’individuation libre. En effet, tout individu se précède comme l’âme précède son incarnation dans le corps. Et partant, tout l’effort d’une vie consistera à réaliser ce que j’étais déjà de toute éternité et que l’incarnation m’a fait oublier.